Christopher Wreh
« Dans la famille Weah,
je voudrais le cousin surdoué. »
Mister George, à ce jour
seul ballon d’or africain de l’histoire, s’est
révélé sur le Rocher en 1988. Sa réussite,
précoce et insolente, a probablement poussé les
émissaires de la Principauté à accentuer
leurs recherches dans la Corne de l’Afrique afin de trouver
la future star du continent Noir.
Et quelques mois après l’arrivée de Weah,
a débarqué à Monaco un jeune gamin de 14
ans, présenté comme le cousin de George et surtout
comme bien meilleur que son aîné au même âge.
Voilà comme un simple lien
sanguin peut suffire à offrir à un jeune joueur
la possibilité d’intégrer un prestigieux centre
de formation. Christopher Wreh a donc le privilège de s’entraîner
à la Turbie pendant que son cousin gagne la Coupe de France
et réalise une formidable épopée en Coupe
des Coupes, stoppée nette en finale par un Werder impitoyable.
Un but inscrit tout en finesse
En juillet 92 et après quatre
saisons de haut vol, George Weah a fait le tour de la question
sur le Rocher et décide de s’engager avec le PSG,
laissant la porte de l’équipe première de
l’ASM ouverte à son jeune cousin, alors âgé
de 17 ans. Avec comme nouveau modèle Jürgen Klinsmann,
Wreh continue de progresser et célèbre ses premières
apparitions en Première Division lors de la saison 93-94.
Il faut toutefois attendre l’année suivante pour
voir le Libérien devenir un élément non négligeable
de la rotation monégasque sous la direction d’Arsène
Wenger.
Sous le maillot rouge et blanc,
Chris n’apparaît finalement que dix-neuf fois pour
un maigre total de trois buts. Un bilan jugé famélique
par les dirigeants monégasques qui décident de le
prêter une saison à Guingamp en 96-97. Dans la région
costarmoricaine, l’Africain découvre un club familial,
qui lutte pour obtenir le maintien et plus si affinités.
Sous la direction de Francis Smerecki et avec des coéquipiers
aussi prestigieux que Candela, Carnot ou Coco Michel, Chris Wreh
réalise une saison pleine de promesses. En Coupe UEFA,
il défie l’Inter Milan d’Angloma, Djorkaeff
et Zamorano au Roudourou (défaite 0-3) et dispute la finale
de la Coupe de France contre l’OGC Nice (défaite
aux tirs au but).
Son bilan personnel est également
intéressant avec plus de trente matchs disputés
et dix buts inscrits. Des réalisations qu’il prend
d’ailleurs pour habitude de fêter par des roues et
galipettes d’assez bonne facture. L’amplitude et la
puissance de ses figures ne sont par exemple en rien comparables
avec les acrobaties navrantes d’un Bakayoko ou d’un
Robbie Keane.
Des célébrations
tout en retenu et en sobriété
Bref, revenons à nos moutons.
Malgré cette excellente saison, Chris n’entre plus
dans les plans monégasques et est laissé libre sur
le marché des transferts. De nombreux clubs se déclarent
intéressés par le Libérien mais c’est
finalement Arsène Wenger, tout juste revenu d’un
lucratif périple japonais, qui emporte la mise et emmène
Wreh dans ses valises, direction Londres et Arsenal.
Au sein d’un club peuplé
d’alcooliques et de bourrins notoires, Chris s’impose
d’emblée comme le quatrième choix offensif,
derrière Bergkamp, Wright et Anelka. Son arrivée
coïncide avec une fantastique saison de la part des Gunners
qui raflent le championnat et la Cup. Loin d’être
étranger à cette réussite, l’attaquant
fait notamment parler de lui en inscrivant deux buts décisifs
contre Bolton et Wimbledon (victoires 1-0) qui permettent aux
Londoniens de soulever le trophée de champion et d’aligner
une série de dix succès d’affilé. Chris
qualifie également sa formation pour la finale de la FA
Cup en plantant le seul but de la demi-finale contre les Wolves.
« Ole Gunnar sucks. I
am the real Super Sub”
Mais c’est paradoxalement
lors de cette période faste que tout bascule pour le Libérien.
Wreh, fier de sa réussite, se laisse quelque peu aller
sur le plan nutritif et rentre de ses vacances estivales avec
un embonpoint qui ne plait pas vraiment à Wenger. Cela
ne l’empêche néanmoins pas d’inscrire
un but laborieux lors du Charity Shield contre Manchester United
(3-0).
Alors que Coach Arsène recrute Thierry Henry et Davor Suker
pour permettre à son club de briller sur la scène
européenne, Christopher ne parvient pas à retrouver
une taille de guêpe plus conforme à son statut de
joueur professionnel. Et bien que la sélection libérienne
continue de faire appel à lui (36 capes, 11 buts au terme
de sa carrière), l’attaquant n’apparaît
plus sur les feuilles de matchs d’Arsenal.
« Hé les mecs,
on va fêter la victoire au restaurant ! »
Après 46 rencontres et
5 buts, Wreh quitte alors Arsenal pour rejoindre Birmingham dans
le cadre d’un prêt. Il s’agit là du début
de la fin pour le joueur qui, à l’âge de 24
ans, va entamer une descente aux enfers. Chez les Blues, Chris
ne joue pour ainsi dire pas du tout. L’entraîneur
ne lui accorde aucune confiance et préfère le rendre
aux Gunners qui s’empressent de refiler le colis au premier
venu. En l’occurrence, l’AEK Athènes, où
Wreh évolue de manière épisodique. Les sandwichs
locaux ne lui permettant pas de maigrir, c’est toujours
avec un ventre rond qu’il est de nouveau prêté
au FC Den Bosch, aux Pays-Bas.
Guy Roux a donné des
fessées pour moins que ça
Une énième saison
morne plus tard, Wreh est, définitivement cette fois, transféré
à Riyad, en Arabie Saoudite. Les poches alors pleines de
dollars, le Libérien décide de faire une croix définitive
sur le haut niveau en allant découvrir le mythique championnat
écossais avec la formation de Saint-Mirren, tout juste
promue en Première Division. Mais dans les Highlands non
plus, le semblant de talent entraperçu lors de ses jeunes
années a totalement disparu.
Avec un tel postérieur,
pas étonnant de pencher en arrière.
A 27 ans, l’ancien grand
espoir du football africain se retire du monde professionnel et
s’engage successivement avec deux clubs amateurs anglais,
Bishop’s Stortford et Buckingham Town. Nous ne connaissons
pas les statistiques du joueur à cette époque mais
nous espérons pour lui qu’il est parvenu à
faire trembler les filets de temps à autre. Par simple
curiosité, il serait intéressant de savoir si, dans
l’hypothèse d’un but, Chris a réalisé
l’une de ses acrobaties anthologiques. Voir une masse toute
ronde de 100 kilos effectuer un salto doit être un spectacle
surprenant.
Aujourd’hui, Chris est loin
de l’univers du football. Il a définitivement tourné
la page pour se concentrer sur sa seconde carrière, celle
de musicien. Avec son groupe de jazz, « Soul Rebels »,
le cousin de George Weah arpente l’Europe pour faire des
concerts et rendre hommage à ses ancêtres esclaves
des colonies américaines. Une nouvelle vie loin de toutes
les considérations futiles du football et où la
corpulence n’a aucune incidence sur les performances.
Chris (au premier plan) et les
Soul Rebels au complet
Sportivement, il ne reste donc
de Christopher Wreh que son lien de parenté avec Mister
George et son épatante saison avec l’EAG, club où
il restera dans les esprits comme un joueur efficace et spectaculaire.
Sa longue agonie footballistique et sa disparition progressive
des mémoires collectives nous a semblé être
un tort qu’il fallait réparer, tant Chris représente
l’exemple parfait de ces comètes qui sombrent encore
plus rapidement qu’elles n’ont émergées.
Son match parfait
« Pff… laissez-moi…
pff… souffler… pff… une seconde »
Avec le club amateur de Bishop’s
Stortford, Christopher Wreh s’est bien fendu la poire. Attaquant
de pointe d’une équipe composée de neuf défenseurs
obèses et d’un gardien quinquagénaire, le
Libérien est chargé de transformer en or toutes
les dégagement bouseux que balancent de temps en temps
ses coéquipiers. La rapidité, autrefois le point
fort de Chris, n’est à cette époque plus qu’un
vague souvenir. C’estt davantage sur son côté
déménageur que Wreh s’appuye pour prendre
à défaut ses vis-à-vis.
Dans le choc au sommet de la Non-League Football Conférence
Sud (niveau DH), Bishop’s Stortford est opposé à
Eastbourne Borough, le 22 octobre 2002. Une seule formation pourra
ravir la place de leader à Bognor Regis Town et Chris Wreh
est déterminée à ce que ce soit la sienne.
C’est pourquoi il se débat comme un beau diable sur
le front de l’attaque pour tenter de contrôler les
ballons qu’on lui adresse par hasard. Pris au marquage strict
par un stoppeur édenté, le Libérien ne parvient
pas à se mettre en évidence. Au bout d’un
quart d’heure de jeu, il décide d’aller piquer
une sieste sur la piste d’athlétisme entourant le
terrain, laissant ses coéquipiers à dix.
A son réveil, Chris s’aperçoit que le score
est toujours vierge et que le ballon n’a pas touché
le sol depuis qu’il est s’assoupi. Entre chandelles
et jeu de tête abracadabrant, le spectacle ravit les 5000
spectateurs présents. Alors que son équipe s’apprête
à jouer un corner, Chris fait son retour sur la pelouse
et part se placer devant le gardien de but.
Une bonne idée puisque c’est justement dans cette
zone que le ballon échoue. Le gardien va s’en saisir
mais Chris Wreh le bouscule d’un formidable coup de derrière
qui projette le portier dans ses propres filets. Après
un contrôle manqué du tibia qui propulse la sphère
sur son nez, Chris marque de l’homoplate droite et offre
la victoire aux siens.
Submergé par la joie, le Libérien décide
de rééditer sa marque de fabrique en effectuant
un saut périlleux laborieux qui s’achève par
une chute lamentable sur les cervicales.
Indisponible jusqu’à la fin de la saison, Chris manquera
énormément à ses camarades lors des rencontres
face à Bedford Town, Welling United, et surtout face au
futur champion, Weston Super Mare.
Deez
02-05-2007