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des footballeurs en carton !


     
 

 

Dagui Bakari

Dagui Orphie Bakari voit le jour le 6 septembre 1974 à Paris, forcément on a envie de dire tellement la capitale mondiale des pieds carrés est fertile en « talents fâchés ». Un beau bébé donc (NDLR : 14,5 kg pour 1m12 à la naissance) qui fera la joie de ses parents, tout fraîchement débarqués de Côte d’Ivoire avec de grandes espérances pour leur progéniture dans la mallette.

Sa trajectoire est d’abord celle, trop banale, d’une jeunesse issue de l’immigration. Pas forcément à l'aise sur les bancs de l'école (ses genoux cagneux dépassaient du bureau), le jeune Dagui s'épanouit rapidement sur les terrains de Paris et sa banlieue. Arrivé en minimes, son club le surclasse très rapidement chez les -18. Non pas que ses immenses guibolles fassent de lui un talent précoce mais les délégués mettaient en doute à l’époque l'âge qui était inscrit sur sa licence à la vue de ce grand échalas à la démarche mal assurée qui s'assommait régulièrement avec la transversale sur les corners offensifs.

Dagui Bakari, chronique d’une ambition dévorante.

Après avoir écumé les centres de formations, dont la très réputée Jonelière nantaise, il est enfin temps pour Dagui de prendre son envol. Ses premiers pas dans le monde professionnel ne sont pas vraiment encourageants, à vrai dire. Sa première saison à Noisy-le-Sec restera une saison blanche à défaut d’être noire. Irrémédiablement relégué sur le banc de touche, il quitte le National durant l’été 95 pour rejoindre Amiens à l’échelon supérieur. Une nouvelle déception et trois apparitions plus tard, Dagui s’enfonce un peu plus dans le doute, et on le comprend. Fort heureusement pour lui (et pour nous), un recruteur manceau très inspiré le repère et s’empresse de le faire signer au MUC 72, avec l’intime conviction que se cache un réel prodige sous cette masse de cheveux frisés. C’est alors le début d’une très belle histoire comme dirait l’autre…

« Je sens que j’vais conclure ce soir… »

Tout juste débarqué dans le club sarthois, Dagui prend rapidement ses marques. Son gabarit ne va pas tarder à mettre à mal les défenses les plus récalcitrantes de L2. Sa silhouette de videur tétanise ses vis-à-vis, rapidement désabusés par les subtils coups de coudes qui assaisonnent chacun des duels aériens disputés avec l’imposant avant-centre. Epaulé par un Emeric Darbelet irrésistible, sa première saison est un franc succès avec 11 buts au compteur, la plupart inscrits avec la clavicule gauche. Plus qu’une spécialité, une marque de fabrique. Après trois saisons passées sous les couleurs mancelles, toutes ponctuées d’une dizaine de réalisations, Dagui rejoint l’ambitieux LOSC d’Halilhodzic et son effectif commando. Mais non sans avoir auparavant distillé quelques conseils de vieux sage à une jeune pousse du centre de formation, un certain Didier Drogba, à qui il aurait, selon la légende, « tout appris »…


« La tête ou le pied ? La tête ou le pied ? »

Révélé au Mans, il explose véritablement à Lille sous les ordres de Vahid et sera l’un des principaux artisans de la remontée du club en L1. Caractérisé par une efficacité implacable en dépit d’un style peu académique et pas franchement esthétique, il est le digne représentant de ce « Boring Lille » qui va rapidement se faire un nom en championnat à grands coups de 1-0. Planté comme un gigantesque piquet dans la surface adverse, il attend patiemment les arrêts de jeu pour placer son casque (ou, à défaut, un mollet) sur les centres au cordeau distillés par les Boutoille et autres Pichot. Tête de l’oreille, plat du tibia, tout y passe, il tente et ça rentre à tous les coups, ou presque. Il est donc au sommet de son art lorsque la fédération ivoirienne lui fait les yeux doux. Mais, sincèrement, pourquoi s’abaisser à évoluer dans une sélection anonyme quand on se voit déjà revêtir le joli survêtement de l’Equipe de France ? Il met donc sèchement un terme aux appels du pied désespérés de Robert Nouzaret, et lui ainsi que ses comparses nordiste décrochent leur billet pour la Ligue des Champions après seulement une saison dans l’élite. Les yeux du goleador lillois s’illuminent, il s’imagine déjà jouer des avant-bras face aux stars du Calcio dans des stades mythiques. Un rêve devenu réalité (ou presque) après un but inscrit face à… l’Olympiakos, à domicile. Mais ces trop rares instants de plénitude vont titiller la gourmandise du gentil géant, frustré de s’en tenir uniquement aux matchs de poules jusque-là.


« Alors là, c’est quand José m’a pris de vitesse… »

Et là, c’est le drame. Sa carrière bascule lorsqu’il signe chez le rival lensois lors de l’été 2002 avec l’espoir avoué de franchir un palier. C’est pourtant tout un escalier qu’il va dévaler la tête la première. Orphelin de son compère d’attaque (et d’infortune) Sterjovski, il se révèle beaucoup moins prolifique avec la tunique sang et or. Il devient rapidement la risée du stade Bollaert, subissant un harcèlement moral quotidien perpétré par l’inénarrable Louisette, qui n’en finit pas de mimer ses mythiques contrôles de la rotule à l’occasion des séances d’entraînement. La saison suivante, la concurrence d’un autre buteur de légende, en la personne de Tony Vairelles, ne fera rien pour le sortir de cette torpeur qui le ronge. Le pauvre Dagui agonise lentement dans le désintérêt collectif et, malgré quelques sursauts d’orgueil en Coupe UEFA matérialisés par des pointus dans des cages vides, son temps de jeu diminue à vue d’oeil. Pire encore, il va se résoudre à répondre par l’affirmative aux sollicitations d’une sélection ivoirienne peu rancunière et endosse quelques capes, sans toutefois réelle conviction. Mais Dagui n’est pas du genre à se laisser totalement abattre et se met en quête d’un nouveau défi. C’est alors que l’ASNL fait appel à lui.

Dagui Bakari, homme sandwich.

Attendu comme le messie à Marcel Picot, il enfilera seulement à deux reprises le maillot nancéien, la seconde fois à l’occasion d’un déplacement à Bordeaux, qui s’avèrera finalement être son jubilé. En effet, une anomalie cardiaque décelée par le staff lorrain mettra brutalement fin à ses ultimes espoirs de côtoyer à nouveau le gratin footballistique européen. Finalement, dans son malheur il y a du bien car, Dieu merci, Dagui a pris soin d’éviter tout effort superflu au cours de sa carrière, son immobilisme chronique dans la zone de vérité lui aura donc peut-être sauvé la vie.


« Pitié Domenech, sors-moi d’là… »

Son match parfait :

Nous sommes le 16 juillet 2022, le MUC fête ses 50 années d’existence et convie les vedettes qui ont porté haut les couleurs du club à un match de bienfaisance au profit de la fondation Amanda Lear. Dagui Bakari est associé à son fils spirituel, Mamadou Samassa, Ballon de Plomb 2008 et 2009, dans un 11 de gala. Laurent Peyrelade ouvre la marque à la 79ème minute en fusillant Jean-François Bédénik à bout portant suite à un caviar de l’inoxydable Tchimbakala. Le sang de Dagui ne fait qu’un tour. Il intercepte une mauvaise relance d’Eddy Capron plein axe puis mystifie tour à tour Celdran et Bridonneau. Transcendé par un orgueil piqué au vif, il expédie une mine aux 20 mètres qui termine sa course dans le petit filet droit du but adverse. Willy Grondin n’y aura rien changé, le SAMU non plus. Dagui Bakari s’écroule de tout son long sur la pelouse du stade Léon-Bollée, le sourire béat, se répétant : « Je peux partir maintenant… » dans un dernier souffle.

Mr-Mazure


06-02-2007


Né le 06-09-1974

Style de jeu
Colosse au coeur d'artichaut