Marcelinho Carioca

Ma chronique est comme ça.
La source piedcarresque prenant
vie au Brésil n’est décidément pas
prête de se tarir. Alors que les clubs phares de Ligue 1
sont généralement les plus enclins à recruter
de faux prodiges en provenance du pays de la samba, il ne faut
pas oublier que les équipes aux budgets restreints sont
souvent séduites par le talent intrinsèque des Sud-Américains.
Pour des raisons salariales compréhensibles, ils sont nombreux
les « petits » clubs de notre élite française
à se tourner vers le Brésil pour donner à
leur effectif un visage latino intéressant sur le papier.
Ces dernières années, c’est sans conteste
l’AC Ajaccio qui remporte la palme de la médiocrité
auriverde avec le recrutement d’une demi-douzaine de Brésiliens
au talent discutable. Marcelinho Carioca est probablement l’exemple
le plus criant de cette frénésie brésilienne
qui s’est emparée de l’Ile de Beauté.

Faire un
Haka tout seul, c’est franchement ridicule.
De son vrai nom Marcelo Pereira
Surcin, Marcelinho Carioca fait partie de ces joueurs très
doués sur leur continent d’origine et qui perdent
tous leurs moyens en Europe. Natif de Rio, le petit meneur de
jeu avait pourtant toutes les cartes en main pour réaliser
une formidable carrière. En dépit d’une carrure
plus en adéquation avec le métier de jockey, Marcelinho
démontre dès son plus jeune âge des qualités
techniques hors du commun, notamment grâce à son
pied droit, capable de prouesses en matière de précision
et de justesse.
De 88 à 97, Flamengo et les Corinthians se réjouissent
de posséder dans leur rang un tel orfèvre qui parvient
à sublimer ses partenaires en leur offrant des passes splendides
ou encore de nettoyer les lucarnes sur des coups-francs platiniens.

Le record de Mike Powell va
tomber, là c’est sûr.
C’est donc tout naturellement
que Marcelinho, l’idole de tout un peuple, décide
de franchir l’océan pour aller exercer son talent
sur le vieux continent. A l’âge de 26 ans, le Brésilien
signe au FC Valence en même temps que son compatriote Romario.
Sous la direction du stratège italien, Claudio Ranieri
et entouré de joueurs comme Claudio Lopez ou Ariel Ortega,
Marcelinho semble avoir trouvé l’équipe où
il pourra s’épanouir. Erreur ! Il ne jouera que cinq
pauvres matches de toute la saison. Déçu, Carioca
décide de rentrer au bercail où son club favori
des Corinthians l’accueille à bras ouverts. Un retour
aux sources roboratif pour le meneur de jeu qui signe alors les
trois plus belles saisons de sa carrière avec une foultitude
de buts et même trois sélections nationales, durant
lesquelles il marquera à deux reprises.

Attentions supporters parisiens,
il rôde dans le coin en attendant un contrat…
Et là c’est le drame.
Sans raison apparente, Marcelo va se lancer dans un tour du monde
de la loose avec pas moins de huit clubs en moins de cinq ans
! Cela commence par une pige à Santos, puis une autre au
Japon avec le club de Gamba Osaka. L’expérience fait
long feu et une nouvelle fois, le joueur préfère
retourner au Brésil et s’engager avec Vasco. Pour
six petits mois seulement puisque les sirènes lucratives
saoudiennes le débauchent et l’envoient à
Al Nassr dans le cadre d’un prêt. Au terme de ce dernier
et pour la première fois de sa carrière, un retour
au Brésil n’est pas la priorité du joueur
qui décide alors de tenter l’expérience française
à Ajaccio. Par la suite, Marcelo jouera pendant un an avec
le club de Brasiliense avant d’aller vivre ses vieux jours
chez ses amis des Corinthians. Cela met un point final à
une carrière dantesque, parsemée de choix douteux
mais aussi de performances tout à fait louables.

Qu’est ce qu’on
s’amuse tout seul sur un terrain !
Mais revenons sur ce qui nous intéresse
vraiment, les six mois du joueur en Corse ! Alors entraîné
par l’illustre Olivier Pantaloni, bientôt épaulé
par Rolland Courbis, l’ACA peste sur son manque de moyens
financiers pour construire une équipe capable de jouer
le maintien en L1. C’est alors qu’une vieille VHS
poussiéreuse arrive mystérieusement sur le bureau
des dirigeants ajacciens.
Michel Moretti : « Qu’est
ce que c’est que cette cassette ?
Olivier Pantaloni : - Moi j’ai pas envie de regarder, j’ai
vu un film japonais sur une cassette vidéo maudite et ça
me fait peur…
Rolland Courbis : - C’est flou mais je crois voir un ballon
de foot.
MM : - C’est pas un porno au moins ?
RC : - Mais non ! C’est du foot. Wah vous avez vu ce but
?! Magnifique. Je veux ce joueur.
OP : - Attends Rolland, tes recrutements sur VHS, on sait ce que
ça donne. A Marseille, t’as fait signer Berizzo,
Montenegro et Calandria…
RC : T’en fais pas ! Là je suis sûr de moi…
oh regarde y’a un post-it sur le boitier. « Pour un
Marcelinho Carioca acheté, un Andre Luiz Moreira offert
». Oh putain ! Je veux ! »
Et c’est ainsi que Marcelinho
a débarqué en Corse, accompagné d’Andre
Luiz Moreira, l’ancien Marseillo-parisien au talent épisodique,
mais aussi de deux attaquants inconnus : Edson De Farias et Lucas
Pereira. Une véritable légion brésilienne
recrutée sans l’ombre d’une ébauche
de schéma tactique, c’est beau ! Fantastique même.

Les duettistes
faignasses.
C’est avec cette ribambelle
de joyeux drilles que l’ACA entame l’exercice 04/05.
Marcelinho Carioca, après avoir passé quelques semaines
à peaufiner sa condition physique, fait ses débuts
en L1. L’hexagone peut ainsi découvrir ce lutin grassouillet,
sorte d’ersatz de Stéphane Ziani en meilleure santé
capillaire, qui a toutes les peines du monde à trottiner
pendant plus de dix minutes d’affilée sans frôler
l’apoplexie. Il faut dire que le bonhomme n’a plus
20 ans. Il en a presque 33 et il n’a jamais été
un adepte du repli défensif ou du débordement bernard
mendyen. Partisan du moindre effort, Marcelo erre tristement au
milieu du terrain en attendant patiemment une relance potable
de l’un de ses défenseurs. Malheureusement pour lui,
Mamadou Seck est dans la place et les ballons jouables sont rares.

« NOOOOOOOON. Hors de
question que je joue avec Xavier Collin ! »
Cela dit, quelques éclairs
de génie, témoins d’une qualité technique
indéniable, fusent parfois de son pied droit. Un petit
pont par ci, un corner parfaitement exécuté par
là, Marcelinho Carioca parvient même à inscrire
deux buts superbes, les deux sur des frappes flottantes de vingt-cinq
mètres. Oui mais voilà, c’est bien trop insuffisant
pour justifier son salaire princier (à l’échelle
ajaccienne). Le mauvais classement de l’ACA force Courbis
à modifier son schéma de jeu et c’est Yohan
Demont qui va se révéler au poste de milieu offensif
droit, jusque là dévolu au Brésilien.

« Cinq. Oui cinq minutes
par match. Je peux pas plus coach, désolé. »
Après dix petits matches,
il est déjà l’heure pour Marcelo de dire «
adeus ». Il rentre au Brésil en laissant derrière
lui l’image d’un pré-retraité incontestablement
doué techniquement mais dans une forme physique si précaire
que Pascal Nouma himself l’aurait ridiculisé au Test
de Cooper. Enfin, du point de vue purement piedcarreque, Marcelinho
Carioca est un énième exemple de ces joueurs recrutés
uniquement en raison de leur nationalité. Mais ce stéréotype,
aussi affligeant soit-il, doit demeurer intact… pour que
des petites perles sud-américaines continuent d’affluer
dans le championnat de France.
Son match parfait
A Copacabana, deux petits vieux
discutent au bord de la mer.
« André, tu te souviens quand on a joué ensemble
à Ajaccio ?
- Oui Marcelo. On rigolait bien. Faut dire qu’on avait un
centre d’entraînement aussi pourri que celui de l’équipe
réserve de Sao Caetano.
- C’est sûr. J’en garde de bons souvenirs, surtout
quand on chambrait Fabien Laurenti.
- Oh oui, il était vraiment nul lui. Mais y’avait
pire… Mamadou Bagayoko.
- La grande perche qui marquait jamais ? Terriblement mauvais.
- C’est quoi ton meilleur souvenir là-bas ?
- Hmmm. Je crois que c’était pendant un entraînement.
Je trottinais en mangeant un sandwich quand j’ai reçu
une bonne passe de Regragui. J’étais très
surpris, tu imagines bien. Alors j’ai commencé à
marcher vers le but et j’ai pris de vitesse Frédéric
Danjou. Et là, j’ai vu un appel en profondeur de
Grégory Lacombe. J’ai donc préféré
tirer au but. Une frappe toute molle parce que j’avais pas
de chaussures, je les avais prêté à Renaud
Connen qui perdait tout le temps les siennes à la belote
contre la mère de Courbis. Mais là, crois moi si
tu veux, mais Stéphane Trévisan a réussi
à arrêter mon tir ! Mais il s’est mal réceptionné
et est tombé dans le but. Je me souviens qu’à
cette époque, je regrettais d’avoir quitté
le championnat d’Arabie Saoudite… Mais bon, j’ai
bien rigolé quand même.
- Belle histoire… mais t’as pas de souvenir de match
?
- Non je dormais la plupart du temps.
- Pareil. »

« La ferme ! Je
reviens défendre si je veux ! »
Deez
19-02-2007