José Luis Chilavert

Ah, Zangief
a rasé sa barbe !
José Luis Chilavert est
un géant. Dans tous les sens du terme. Physiquement tout
d'abord. 1 m 88 pour une masse corporelle variant de 85 kg, lors
de ses meilleures saisons, à 115 kg (au bas mot... ), dans
ses pires années, bien connues des supporters strasbourgeois...
Avec une telle carrure, le Paraguayen aurait très bien
pu embrasser une carrière de boxeur, donner dans le muay-thaï,
faire de la lutte gréco-romaine ou jouer les stars du pride.
D'autant que le garçon a toujours démontré
un véritable esprit de guerrier, par ses actions sur le
terrain et parfois aussi en dehors ! Ses adversaires, comme Roberto
Carlos, et ses entraîneurs peuvent en témoigner,
eux qui ont parfois eu à subir les colères homériques
et les coups du colosse.

En exclusivité : la doublure
officielle de Clovis Cornillac dans "Le Scorpion".
Mais comment concilier un physique
de fighter avec la passion du ballon rond ? Comment réussir
à jouer des mains, ou même des poings, lorsque l'on
est footballeur ? En endossant le rôle de gardien bien sûr
! José Luis Chilavert l'a bien compris, et nul ne sait
si c'est son amour pour le football ou son goût pour la
castagne à la Bud Spencer qui l'a mené jusque là.
Toujours est-il que c'est à ce poste que le natif de Luque
a inscrit son nom en lettres d'or dans le grand livre du football.
Car avant d'être un pied carré, ou plutôt une
main carrée, le Paraguayen a été aussi un
seigneur de son sport. Mais comment a-t-il pu tomber si bas et
se retrouver finalement chroniqué sur les pages de ce site
? Avant de revenir sur sa fin de carrière dantesque qui
nous intéresse en premier lieu, débarrassons nous
de ce qui, pour la team piedscarrés, est superflu : ses
heures de gloire !
Ce physique si massif qui, lors
de ses dernières saisons professionnelles, provoquait immédiatement
la risée de tous les spectateurs, a d'abord été
un atout pour le portier. Quoi de mieux en effet qu'une stature
d'armoire à glace digne d'un videur de boîte de nuit
pour effrayer les frêles attaquants des championnats sud-américains
? D'autant que l'attitude du gardien dans ses cages avait de quoi
dissuader ceux-ci de frapper au but... Jugez plutôt :

Maniac Cop 4 : maintenant, il
joue au foot !
Comment ne pas trembler de peur
lorsque l'on a 18 ans, comme nombre de petits prodiges latino,
que l'on fait 60 kg tout mouillé, comme nombre de petits
prodiges latino, et que l'on se retrouve face à une telle
montagne de muscles et de graisse, prête à vous fondre
dessus avec un regard de molosse enragé !

Un bouledogue tout de même
plus boule que dogue !
Et comme si ça ne suffisait
pas, le Paraguayen n'hésitait pas à jouer l'intimidation,
abusant de démonstrations de force brute face à
ses adversaires...

L'épaulé-jeté
sans haltères ?
Ou José Luis vient-il de gratifier l'avant-centre adverse
d'une projection digne d'un champion WWF ?
Malgré ses airs de brute
épaisse, le garçon n'a pas eu besoin que de ça
pour asseoir sa réputation de bon gardien. Que dis-je,
d'excellent gardien, en témoignent ses superbes saisons
au Sportivo Luqueno, à San Lorenzo, au Real Saragosse ou
au CA Velez Sarsfield, dont il a été le portier
emblématique durant neuf saisons consécutives, entre
1991 et 2000. Le joueur et son club ont connu une véritable
histoire d'amour, puisqu'avec Velez, Chilavert a remporté
trois titres de champion d'Argentine (1993, 1996 et 1998), une
Copa Libertadores et une Coupe Intercontinentale (1994). Grâce
à ses performances en club et en équipe nationale,
dont il est devenu le gardien indiscutable dès le début
des années 1990, le Paraguayen à la stature de gorille
est parvenu à décrocher le titre de meilleur joueur
sud-américain de l'année, en 1996, chose extrêmement
rare pour un goal, mais surtout celui de meilleur gardien de football
de l'année, et ce à trois reprises (1995, 1997 et
1998).

"I am the kong of the world
!"
Ce faisant, il est parvenu à
se montrer à la hauteur, voire à dépasser
des monuments tels que le fantasque gardien colombien René
Higuita. Une référence.

"Sois pas triste René
! Tu sais, moi, j'ai jamais su faire le coup du scorpion."
Son dernier trophée personnel,
Chilavert le remporte après une année 1998 bien
remplie pour lui comme pour l'équipe nationale du Paraguay.
Une année de Coupe du Monde, au cours de laquelle le public
français découvre ce rempart humain, quasi-infranchissable
pendant plus de 100 minutes durant le huitième de finale
qui l'oppose aux Bleus, avant que Laurent Blanc ne parvienne à
le battre et n'envoie la France en quarts de finale. Voilà
pour la séquence nostalgie.
Mais la véritable particularité
de Chilavert, ce qui en fait un joueur vraiment hors-normes, c'est
son aisance au pied. Pas sur les dégagements, non. Sur
les coups de pied arrêtés. Tireur de coups francs
et de penalties, le portier a fait souffrir à de nombreuses
reprises ses homologues gardiens et a inscrit pas moins de 62
buts durant toute sa carrière, dont 8 en équipe
nationale. 4 d'entre eux ont même jalonné le parcours
qualificatif des Rouge et Blanc pour la Coupe du Monde 2002. C'est
dire leur importance. Dépassé par le Brésilien
Rogerio Ceni (64 buts), le Paraguayen peut tout de même
s'enorgueillir du côté décisif de ses buts,
en comparaison de ceux du champion du monde 2002. A ce niveau,
José Luis Chilavert reste le plus efficace.

13 ans après, Chilavert
nous rejoue la chute du mur de Berlin...
Vous me trouvez trop gentil ? Très
bien, moi aussi. Rassurez-vous, l'hagiographie est terminée.
C'est l'heure désormais de rentrer dans le vif du sujet.
Après José Luis la main ferme et le pied adroit,
place à Chilavert pied carré et main de plomb...
L'an 2000 est synonyme de bug pour le gardien. Lui titulaire indiscutable
à Velez Sarsfield, lui l'idole de tout le Paraguay, finit
par céder aux sirènes lucratives de l'Europe et
fait ses valises à l'intersaison, direction... Strasbourg
! Son agent aurait mieux fait de lui préciser que "capitale
de l'Union Européenne" ne signfie pas "capitale
de la France", et encore moins "capitale du football
européen". C'est pourtant bien avec le Racing que
le colosse aux pieds agiles signe. Et c'est là que, comme
celui de Rhodes, il va finir par s'écrouler.

Chilavert se prépare
à affronter le FC Nantes, devant les fidèles portraits
de Nicolas Savinaud, Nicolas Gillet et Eric Carrière.
Excités par ce gros coup
médiatique, les dirigeants du RC Strasbourg, offrent au
gardien un salaire de star, l'accueillent comme le messie et l'installent
comme un roi. Et celui-ci va se comporter comme tel. Non pas comme
Charlemagne ou Saint-Louis mais plutôt comme le Dagobert
incarné par Coluche dans "Vous n'aurez pas l'Alsace
et la Lorraine" : fainéant, lunatique et porté
sur la nourriture, de préférence grasse et calorique.
Et question gastronomie, le Paraguayen a visé juste en
choisissant la région de la choucroute, du baeckeoffe,
du kougloff et des bretzels. Sans oublier la bière bien
sûr. Et ses excès ont tôt fait de le mettre
dans le colimateur du public, qui le trouve, ô surprise,
trop gros, trop lent, bref, pas au niveau.

"Je plaide coupable : j'ai
abusé de la choucroute alsacienne."
Pourtant, malgré des lacunes
certaines dans sa condition physique et dans son investissement,
le gardien reste le premier choix dans les cages strasbourgeoises.
Et malgré ses difficultés, il contribue à
porter son équipe vers la victoire en coupe de France face
à Amiens en 2001, après un triste 0-0 et une séance
de tirs-au-but qu'il se charge lui-même de conclure par
une frappe victorieuse, offrant au Racing sa troisième
et dernière Coupe de France en date. Malgré ce titre,
Chilavert ne peut empêcher la descente de son club en Ligue
2. Il faut dire que le Paraguayen est pour beaucoup dans la relégation
de l'équipe, lui qui en meilleure forme et avec davantage
de bonne volonté aurait sans aucun doute évité
nombre de buts et, par là-même, une place dans la
charette au RCS.
En ce sens, José Luis Chilavert
est bel et bien une comète puisque, bien qu'ayant passé
deux saisons en Alsace, il n'en a connu qu'une seule au plus haut
niveau du football français. Son année en deuxième
division, bien que plus complète (33 matchs joués
en championnat et deux en coupe de l'UEFA, contre 17 en 2000/2001),
n'est en aucun cas plus accomplie sur le plan personnel. Toujours
en proie à une surcharge pondérale, il reste loin
de son meilleur niveau. Alors José Luis compense. Il alimente
ses sorties avec l'équipe nationale paraguayenne et ses
retours au pays de déclarations tapageuses, polémiques,
misogynes. Il administre des douceurs verbales à tort et
à travers, mais aussi des coups à ses adversaires
en éliminatoires de Coupe du Monde par exemple. Plusieurs
fois, la justice le rappelle à l'ordre et le condamne à
des amendes. Le tribunal devient un lieu qu'il se met à
fréquenter assidûment.

"Pour ma défense,
j'ai choisi Vicente Del Bosque."
A Strasbourg aussi il s'enferme
dans des différends avec les dirigeants du Racing, qui
lui reprochent de manquer à son devoir professionnel et
aux performances qui devraient être les siennes s'il arrêtait
de s'empiffrer et de jouer au yo-yo avec sa courbe de poids. Résultat
des courses : le licenciement est prononcé avant même
la fin de la saison 2001/2002. Le gardien n'aura même pas
le loisir de fêter la remontée en Ligue 1 avec ses
camarades. Peu lui importe, son horizon est dégagé
: il est retenu dans la sélection du Paraguay pour la phase
finale de la Coupe du Monde 2002, au Japon et en Corée-du-Sud.

"Les mains en l'air ! Vous
avez le droit de garder le silence et de quitter Strasbourg le
plus vite possible !"
Toujours nanti d'une bedaine proéminente
et d'une agilité précaire, le gardien débarque
au Mondial déterminé à aller plus loin qu'en
1998. Au menu du 1er tour pour le Paraguay, la Slovénie,
l'Afrique du Sud et l'Espagne, contre laquelle José Luis
se fend d'une sortie pathétique, offrant à Fernando
Morientes le but de l'égalisation (ou du 2-1, je ne sais
plus très bien). Enfin bref, malgré cette défaite
3-1, le Paraguay valide son ticket pour les huitièmes de
finale, contre l'Allemagne, futur finaliste. Ce match a un parfum
de déjà-vu pour le gardien, qui parvient à
retarder l'élimination de son équipe durant 88 minutes
avant que Oliver Neuville ne vienne jouer les Laurent Blanc de
service pour crucifier Chilavert et toute l'équipe rouge
et blanche. Fin du parcours mais début d'une nouvelle ère
pour le goal.
Après sa sombre expérience
à Strasbourg, José Luis retrouve une partie de son
talent et remporte le titre de champion d'Uruguay en 2002/2003
avec le Penarol Montevideo. Une saison et puis s'en va rejoindre,
à 38 ans et pour une dernière année, le CA
Velez Sarsfield ou il achève une carrière ponctuée
de grands moments mais aussi de bonheurs piedcarresques. Une grande
gueule, un culot monstre, un vrai talent, un style unique, deux
saison affligeantes de nullité et une fin de carrière
en forme d'hommage à lui-même : tout cela suffit
à faire de José Luis Chilavert un joueur incontournable
de notre site. Rien que pour son capital sympathie, nous l'aurions
honoré. Mais le garçon est généreux
alors ne nous privons pas et rendons grâce à ce pied
carré d'exception pour tout ce qu'il apporte à notre
cause à nous, défenseurs du football dans toute
sa joyeuse médiocrité.
Son match parfait
Jamais à court d'idée
pour prouver qu'il a encore de beaux restes et qu'il demeure le
meilleur à la main comme au pied, José Luis Chilavert
organise un match d'adresse et de puissance... sur un ring ! Pour
ce faire, il invite d'anciennes gloires de divers sport de combat,
dans la même catégorie de poids que lui, les lourds,
afin de démontrer la supériorité du football
sur n'importe quel art martial dans la maîtrise de ses membres.
Aux quatre coins de l'arène se retrouvent donc le Britannique
Lennox Lewis, ancien champion du monde de boxe, Ernesto Hoost,
quatre fois vainqueur du K-1 World Grand Prix, et Pascal Gentil,
ancien champion d'Europe de Tae Kwon Do.
Mais, pour le gardien de but, pas
question d'affronter les trois hommes au corps à corps.
Le Paraguayen aime peut-être donner des coups mais il n'apprécierait
sans doute pas ceux qu'il recevrait en retour. Le défi
va donc se faire avec un ballon de football, la règle autorisant
chaque challenger a frapper dans la balle, de la main ou du pied,
contre un adversaire pour parvenir à le mettre KO. En petit
malin, Chilavert s'attaque immédiatement à Lennox
Lewis, qu'il sait vulnérable des jambes, en bon boxeur
qu'il est. En quelques bonnes minasses du cou du pied, il fait
chanceler le Britannique, peu habitué à de telles
sèches, aussi meurtrières que des béquilles,
sur ses cuisses. Ne pouvant plus tenir debout, celui-ci abandonne.
Les réflexes félins
de notre bon José Luis lui permettent, quant à lui,
de stopper les tirs de ses adversaires, par de superbes claquettes
ou des arrêts de grande classe. Il se tourne alors vers
Pascal Gentil qui, après tant d'années à
avoir encaissé des coups de pied, ne voit pas le mouvement
de bras fulgurant du portier et reçoit le ballon en pleine
face sans avoir pu esquisser le moindre geste. Littéralement
knock out, le Français s'écroule.
Reste maintenant à éliminer
le kickboxer, aussi adroit des mains que des jambes. Alors que
ce dernier abreuve le Paraguayen de ballons surpuissants, Chilavert
tient bon jusqu'à ce qu'il puisse enfin récupérer
la balle dans de bonnes conditions. Il pose alors celle-ci à
terre et, d'un maître coup franc merveilleusement enroulé
du pied gauche, il contourne la garde haute du Néerlandais
grâce au formidable effet du ballon, qui vient heurter avec
la précision d'un exocet la tempe du combattant, littéralement
terrassé. Dans l'interview d'après-match, le gardien
de but déclarera, hilare, qu'à distance, "un
ballon de foot propulsé par des crampons et des gants à
cinq doigts sera toujours plus efficace que des pieds nus et des
gants de boxe."

Chilavert profite de sa retraite
pour se préparer aux Jeux Celtiques.
Au moins ses anciens trophées lui servent encore à
quelque chose...
T-Ray
02-05-2007