Elpidio Barbosa Conceiçao
"Dill"
La rubrique des Braziliâneries
va pouvoir bizuter un nouveau petit camarade. Le gringalet auriverde
ayant foulé à cinq reprises les pelouses hexagonales
sous les couleurs de l’Olympique de Marseille, Dill, est
à son tour sous les feux des projecteurs piedscarresques.
Et tout destinait l’attaquant sud-américain à
cette récompense, à commencer par une arrivée
rocambolesque sur le Vieux Port. Envieux du succès, aussi
bien sportif qu’économique, du tandem Alex-Aloisio
à Saint-Etienne, Bernard Tapie décide lui aussi
de confier les clés de l’attaque phocéenne
à une doublette brésilienne. Et quelques jours après
l’échec des négociations avec Mario Jardel,
l’Olympique de Marseille annonce le recrutement de deux
joueurs de Goias. Fernandao et Dill. Si le premier nommé
s’est avéré par la suite être un très
bon joueur aux qualités mal exploitées en France,
le second n’a jamais su montrer ne serait-ce qu’une
once de talent.
C’est pourtant tout auréolé
du titre de meilleur joueur du championnat brésilien de
l’année 2000 que Dill a fait le grand saut en Europe.
Tout cela pour y jouer cinq pauvres matches avec l’OM, dont
une fameuse rencontre face aux Girondins de Bordeaux durant lequel
le « buteur » passa le plus clair de son temps à
se faire bousculer par les joueurs au scapulaire. Souvent comparé
à une autre déception brésilienne de Marseille,
Adriano, Dill, lui, n’est même pas parvenu à
inscrire un but qui aurait laissé une trace indélébile
dans l’histoire du club.
Suite à son échec
phocéen, Dill est retourné au Brésil, pour
y effectuer une carrière somme toute honnête bien
qu’aucune sélection en équipe nationale ne
soit à mettre à l’actif de l’attaquant.
Depuis 2006, l’Auriverde effectue quelques piges au Portugal,
à Penafiel et au Desportivo Aves. Histoire d’en terminer
en douceur avec une carrière gâchée par un
court mais destructeur séjour sur la Canebière.
Que dire de plus d’un joueur
dont on ne sait finalement pas grand chose ? Rien… si ce
n’est de lui laisser la parole. En effet, notre rédaction
a récupéré une lettre du joueur dans laquelle
il raconte à sa famille son expérience marseillaise.
La voici en intégralité :
« Bonjour tout le monde.
Je suis bien arrivé à Marseille grâce à
M. Tapie. Il avait raison. C’est mieux que la Suisse où
on voulait m’envoyer au début. M. Tapie il m’a
dit. « Pfff la Suisse. C’est bon pour Sonny Anderson.
Toi t’es au-dessus de ça ». J’étais
trop fier d’entendre ça, j’espère que
vous l’êtes aussi.
C’est grâce à
lui si j’en suis là
La semaine dernière,
je devais signer mon contrat, mais des messieurs avec des grosses
lunettes noirs m’ont dit d’aller me promener, qu’ils
s’occuperaient de tout. Ils sont vraiment sympas. En marchant
sur le port, j’ai vu la Une du journal local. Y’avait
ma photo en gros à côté d’un gars dans
une piscine. J’ai demandé à mon traducteur
de me lire et en fait ça disait « Jardel-Dill, l’attaque
ultime de la mort qui va faire trembler de peur l’Europe.
» Vous vous rendez compte ? Mais bon, c’est dommage
parce que Jardel a pas voulu signer. A la place, M. Tapie a fait
venir mon copain Fernandao. Il était tellement content
de me voir qu’il a pleuré. Il a aussi pleuré
en voyant Bakayoko. Je savais pas qu’ils se connaissaient.
Nando et moi, on va tout casser
Justement, j’ai plein
de supers coéquipiers. Ils veulent tous que je marque des
buts mais pour l’instant j’y arrive pas. Y’a
que Bakayoko qui a marqué d’ailleurs. Un but de l’occiput
alors qu’il était à assis dans les six mètres.
Apparemment, c’est son style de jeu. Moi, je critique pas
mais c’est bizarre.
Sinon, je joue aussi avec Franck Leboeuf. Vous savez, il a joué
la finale de la Coupe du Monde 98. Je crois de plus en plus que
Ronaldo avait été drogué ce jour-là
parce que c’est pas possible qu’il n’ait pas
réussi à le dribbler… On a aussi un gardien
croate psychopathe, un géant belge en défense et
un alcoolique polonais au milieu. Ah oui et y’avait Rool,
un gars qui me tapait aux entraînements mais qui, heureusement
a été échangé contre Jurietti. Je
le connais pas encore mais j’espère qu’il sera
plus gentil.
Le joueur bizarre et le méchant
qu’est parti
Après cinq matches,
on a toujours pas gagné. J’arrive pas à marquer
parce qu’à chaque fois que j’ai le ballon,
on me fait tomber. Ici, le football, c’est pas comme chez
nous. Jamais on me laisse jongler. Et quand tu fais un petit pont,
le défenseur ne t’applaudit pas mais il te tacle
méchamment.
Mon maillot qu’est un
peu trop grand
Les supporters sont très
différents également. Quand je suis remplacé,
ils sifflent très forts. Plus je leur dis merci, plus ils
sifflent. J’ose pas imaginer ce qu’ils vont faire
quand je marquerai plein de buts.
M. Tapie est toujours aussi gentil avec nous. Il m’a même
promis des vacances au Brésil dans les prochains jours.
Je vous reverrai peut-être bientôt.
Je pense à vous.
Dill. »
Son match parfait
Alors qu’il coule une
fin de carrière paisible au Portugal, Dill peut faire le
point sur une carrière qui aurait pu prendre une carrière
tout autre si seulement son expérience hexagonale avait
été concluante. Le tournant, selon lui, est incontestablement
cette deuxième journée du Championnat de France
2001-02, lorsque l’OM recevait les Girondins de Bordeaux.
Ah si seulement le Brésilien avait fait plus de musculation
dans sa jeunesse, il aurait pu résister aux assauts de
Bruno Basto ou de Jérôme Bonnissel, ridiculiser Vikash
Dhorasoo et débloquer son compteur but. Une simple réalisation
l’aurait élevé au rang de star et lui aurait
ouvert les portes de la Seleçao. Et si par bonheur l’ailier
gauche n’avait pas été Fabrice Fernandes lors
de ce match, il aurait peut-être reçu quelques centres
potables et ainsi faire trembler les filets français. «
Ca aurait tout changé » se persuade Dill alors qu’il
s’apprête à être relégué
de première division après une énième
défaite du Desportivo Aves contre Beira Mar.
Deez