Dan Eggen
Deux ans. Déjà
deux ans que le championnat de France de Ligue 1 a perdu la plus
extraordinaire touffe qui aît jamais foulé les pelouses
de notre beau pays. Car le norvégien Dan Eggen était
en effet le nec plus ultra en matière de densité
capillaire. Oh j'entends déjà les plus anciens de
nos lecteurs me rebattre les oreilles avec Robert Herbin. Ou les
petits supporters monégasques me seriner avec des "et
Bolivar alors ?". Entendons nous bien : Eggen était
bel et bien seul au monde dans sa catégorie de chevelus.
Car chez lui, la bouclette est unique ! Elle est au summum de
la rébellion ! Car quiconque y a un jour regardé
de plus près a pu remarquer la raideur à la base
du cheveu ! Une raideur qui, inexplicablement, se transorme en
frisouille au bout de quelques centimètres ! Un comble
pour un amateur de musique rock comme lui, ou la population de
chevelus à tignasse raide pululle. Or seuls le funk et
le disco s'accomodent régulièrement des coupes afro
(qui a dit affreuses ?).
"J'aurai peut-être moins l'air con
sur un terrain de foot..."
Très jeune, le petit Dan
est d'ailleurs partagé entre sa passion pour la musique
et son amour pour le football. C'est le second qui l'emporte,
sans doute pour éviter les quolibets qu'il aurait pu recevoir
des fans sur une scène de concert ("warf mate la touffe
du chanteur !"). Devenu très grand (1m92), le norvégien
va néanmoins connaître des beaux jours au cours de
sa carrière, commencée à 20 ans au BK Copenhague,
en 1990. Des succès que le rock ne lui aurait certainement
pas permis de connaître aussi rapidement. Au bout de trois
saisons, il quitte la capitale danoise pour le club de Bröndby
IF, où il reste quatre ans. Quatre années de matchs
solides et réguliers au cours desquels lui et ses cheveux
parviennent à attirer l'attention des recruteurs étrangers.
Ceux du Celta Vigo en particulier, qui le font venir en Espagne
en 1997. Et au bout de cette saison 1997/1998, il devient également
une pièce maîtresse de la sélection norvégienne
avec laquelle il embarque pour la Coupe du Monde en France.
"Oui les enfants, même
avec une touffe aussi grosse on peut réussir !"
Et là, malgré sa
vitesse digne d'un solex, Dan réussit de belles performances.
Notamment en inscrivant de la tête le but de l'égalisation
face au Maroc lors du premier match du premier tour de la compétition.
La tête, le point fort du norvégien en plus de son
gabarit. Un instrument souvent efficace, bien qu'il en use avec
parcimonie. Eh oui, imaginez la galère d'accumuler les
coups de boule (dans le ballon hein ?) lorsqu'au retour au vestiaire
on doit réparer les dégats causés à
un tel brushing. Tout l'art du grand défenseur central
est donc là : savoir identifier l'action précise
au cours de laquelle son crâne bouclé sera vraiment
utile. Le reste du temps, le norvégien le passe à
jouer des épaules ou des pieds. Pas toujours de manière
propre malheureusement.

"je tiens bien moins à
mes poils de jambe."
Et lorsque l'usage de la tête
en dehors d'une action décisive se fait sentir, Dan se
garde bien d'intervenir et laisse le sale travail à ses
coéquipiers. Un cas de figure qui arrive très souvent
en match.

"Pour éviter de
se décoiffer, mieux vaut regarder l'action de loin et laisser
les potes s'en occuper."
Bref, cette manière de
jouer unique ne l'empêche pas d'être efficace sur
le terrain. Et c'est en partie grâce à ses performances
défensives que la Norvège atteint les huitièmes
de finale du Mondial 1998. Mais ce n'est pas fini. Avec le Deportivo
Alavés, que le Norvégien rejoint en 1999, il atteint
la finale de la Coupe de l'UEFA en 2001. Après un parcours
fabuleux, son club échoue d'un cheveu en finale face à
Liverpool au cours d'un match de folie conclu sur le score de
5-4 pour les Anglais. Malgré son caractère calme,
Eggen a du mal à cacher ses défauts, que ses coéquipiers
ne supportent plus vraiment. Son attitude sur le terrain et dans
les vestiaires ne leur plaît plus. Devenus susceptibles
après que celui-ci ait laissé passer à cinq
reprises les attaquants des Reds, ceux-ci se mettent à
lui faire des reproches. Et comme d'habitude, c'est sa chevelure
qui est mise en cause.

"Putain t'as laissé
plein de cheveux dans la douche ! Ils ont bouché le siphon
!"
Las, Dan quitte l'Espagne et rejoint
l'Ecosse pour une pige d'une saison aux Glasgow Rangers. Avant
de rejoindre le MUC 72 en 2003. Pour notre plus grand plaisir.
L'effectif de l'équipe mancelle, tout juste promue en Ligue
1, regorge alors de pieds carrés et notre norvégien
fait la connaissance des mémorables Jean-François
Bedenik, Jean-Jacques Domoraud, Fernando D'Amico, Sergiu Radu
et Thabang Molefe, qui sera son compagnon en défense centrale
durant toute la saison. Eggen apporte alors la touche d'expérience
(et de lenteur) qui manquait à la charnière jaune
et rouge.

Grâce au norvégien,
Le Mans a trouvé la personnification idéale du poulet
de son sponsor maillot.
Malgré son statut de titulaire,
le grand Dan est souvent absent et ne termine la saison 2003/2004
qu'avec 21 matchs au compteur. La faute à des blessures
récurrentes qui l'empêchent de développer
tout son potentiel et de sauver Le Mans de la relégation.
Le Norvégien ne peut même pas débuter l'exercice
suivant en Ligue 2, victime d'une fracture qui compromet sérieusement
son retour à la compétition. Mais celui-ci ne s'en
laisse pas compter et revient pour... un match, lors de la treizième
journée. Les Manceaux, désormais entraînés
par Frédéric Hantz, n'en peuvent plus de ce préretraité
du football qui met trop de temps à revenir, et cherchent
à s'en débarrasser.

Le staff manceau a même
tenté de l'empoisonner dans un local technique du stade
Léon-Bollée.
Finalement, Dan se lasse aussi
de la vie sarthoise et choisit de résilier son contrat
avec ses employeurs. Croyant pouvoir retrouver un club, le défenseur
est finalement contraint à stopper sa carrière,
sa grave blessure au pied l'empêchant totalement de pratiquer
de nouveau le football à un haut niveau. Et pas question
pour lui de se tourner vers le milieu amateur. Non, Dan a d'autres
projets, plus nobles et plus conformes à ses rêves
d'enfance et à sa personnalité. Son expérience
de chevelu et, accessoirement, de sportif professionnel lui permet
de devenir le manager du groupe norvégien El Caco, grâce
auquel il entre de plain-pied dans un domaine qui s'était
toujours refusé à lui : le rock.

"Allez, encore deux jongles
et je retourne au studio."
Son match parfait
2010 : Dan Eggen est de
retour dans le football. A l'occasion de la Coupe du Monde, le
joueur devenu manager a réussi à décrocher
un contrat à El Caco, qui va permettre à ses protégés
de jouer en live devant des millions de personnes au cours de
la cérémonie d'ouverture de la compétition.
Grande première dans l'histoire du tournoi, le match d'ouverture
est précédé d'une rencontre de gala entre
anciennes gloires des équipes qualifiées pour cette
édition 2010. La Norvège en faisant partie, c'est
le grand Dan qui est choisi par l'opinion publique norvégienne
pour représenter le pays au cours de la rencontre. La touffe
au vent, le défenseur fait son entrée sur le terrain
et vient se positionner au centre de la défense en compagnie
d'un autre as de la coupe de cheveux, le Nigérian Taribo
West. Pas de grandes actions au cours de cette rencontre où
les papys cagneux du ballon rond se retrouvent amicalement afin
de fêter cette grand messe du football. Non, pas de grandes
actions sauf à la 90ème minute où le grand
norvégien, sur un corner tiré par Demetrio Albertini,
autre frisé célèbre, déclenche un
formidable headbang pour propulser de toute ses bouclettes le
ballon au fond des filets du malheureux gardien russe Ovchinnikov
et de sa queue de cheval. Ce soir-là, Dan Eggen aura bel
et bien montré au monde qu'avoir une touffe en guise de
chevelure pouvait être tout aussi efficace, dans le rock
comme dans le football, que de longs cheveux raides et bien brossés.

"Je vous avais dit que
j'aurais ma revanche..."
T-Ray
13-01-2007