Ivica Mornar

"Oui, mon torse est aussi
chauve que mon crâne. Et alors ?"
"Mal fini ? Quel jugement
odieux !"
La rédaction de piedscarres.com deviendrait-elle méchante
? Non, rassurez-vous. Loin de moi l'idée, avec un terme
aussi ambigu, de qualifier le physique d'Ivica Mornar. Comment
le pourrais-je alors que je m'apprête à chroniquer
un joueur d'1 m 88 et de 85 kg bien pesés ?

"Ouais les gars, même quand j'étais
haut comme ça, j'avais pas de cheveux."
Non, ici le style de jeu de notre
ami croate fait autant référence à son football
qu'à sa carrière. Je m'explique : en plus de 15
ans de professionnalisme, "Moka", comme on le surnomme
en son pays, n'a presque jamais réalisé de saison
complète. 2000/2001, son année la plus aboutie,
l'a vu culminer à 30 matchs joués avec le Standard
de Liège. La faute aux blessures me direz-vous. Sur ce
point, je ne vous contredirai qu'à moitié, sachant
les nombreux pépins physiques qu'a connus l'attaquant depuis
ses débuts. Les Rennais en conviendront aisément.

"La rééducation : parce
que je le vaux bien."
Mais soyons réalistes :
Ivica Mornar n'est pas Ronaldo. Jamais il n'a subi de blessures
de très longue durée. Ses soucis se sont limités
tout au plus à quelques semaines à chaque fois.
Ce qui ne suffit évidemment pas à expliquer pourquoi
le garçon n'a jamais su garder une place de titulaire,
ou une place tout court, dans ses équipes au cours de sa
carrière. En revanche, la capacité caractérisée
du Croate à foirer ses actions est une raison suffisante.
Pourrait-il être qualifié de croqueur ? Non, pas
pour autant. Car ce ne sont pas les buts tout faits que Moka a
l'habitude de manquer, ce sont ses offensives elles-mêmes
! Une nature de vendangeur qu'il a tout de même su raisonner
une bonne partie de sa carrière, mais jamais totalement.
Ses premières années au Hajduk Split, de 1991 à
1996, faisaient largement état de cette aptitude à
l'inachèvement, mais l'on pouvait alors placer ce déficit
de réalisme sur le compte de la jeunesse de l'attaquant.
C'est pourquoi l'Eintracht Francfort
n'en fait pas vraiment état lorsqu'il engage Ivica début
1996. Mais il se rend vite compte du fâcheux défaut
du Croate qui, malgré une propension certaine aux débordements
et aux dribbles électriques, parvient toujours à
s'emmêler les pinceaux - ou plutôt les rouleaux de
peinture, la précision n'étant pas son fort - aux
abords de la surface adverse. Durant deux saisons, Mornar va être
victime de ce syndrôme si personnel. A l'intersaison, il
rejoint le FC Séville pour un exercice 96/97 encore moins
accompli que son séjour allemand : 11 matchs, deux buts,
un triste bilan qui l'envoie en deuxième division espagnole
lors d'une saison de Coupe du Monde où la Croatie remportera
la médaille de bronze. En effet, c'est à Ourense
qu'il dispute la saison 1997/1998. Grâce à ses 28
rencontres disputées et ses 8 buts, il s'attire les bonnes
grâces du Standard de Liège, qui va lui donner une
deuxième chance au haut niveau (ahem...).
C'est alors que Moka se fait une
réflexion capitale : "C'est fabuleux ! La Croatie
troisième du Mondial ! Faut vraiment que j'arrête
mes conneries si je veux pouvoir être du voyage en 2002
et faire aussi bien !" Sur ces bonnes résolutions,
l'attaquant va s'offrir trois saisons de rédemption dans
le club liégeois. A chacune d'elle, il monte en régime
et bonifie son jeu, se fait plus efficace et réaliste.
Si bien qu'en juillet 2001, le natif de Split reçoit une
offre du RSC Anderlecht. Trop heureux est il de pouvoir, à
quelques mois de la Coupe du Monde 2002, jouer le titre de champion
de Belgique et surtout montrer l'étendue de ses progrès
sur la scène de la Ligue des Champions. Et au cours de
cette saison, le Croate va se plier en quatre pour séduire
son sélectionneur national, Mirko Jozic. Motivé
à 200 % au cours des 23 matchs qu'il effectue, il fait
des pieds et des mains, bonifiant son côté technique
et retrouvant sa vitesse de 20 ans pour gagner sa place en sélection.
Petit florilège des performances du garçon.

Des débordements tout en finesse.

Des gestes techniques à couper le souffle.

Des buts célebrés en toute sobriété.

"Monsieur Jozic ! Regardez ! C'est moi
l'héritier de Davor Suker !"
A la fin de la saison, la récompense
tombe : Moka a plu au public bruxellois et a gagné une
saison supplémentaire au club le plus titré de Belgique.
"Mais... et ma sélection ? Et la Coupe du Monde
? Monsieur Jozic... S'il vous plaît !" Trop tard,
le sélectionneur des Vatreni a fait son choix et n'a pas
retenu la débauche d'énergie de l'attaquant. Le
mondial Japonais se jouera sans lui. Pleurez dans les chaumières,
notre crâne chauve préféré n'endossera
pas encore la tunique à damier lors d'une compétition
internationale.
Déçu, Ivica Mornar
retombe dans ses travers dès la saison suivante. Plus de
déchet technique, plus d'actions foirées : l'avorteur
est de retour ! Son naturel revenu au galop ne fait évidemment
pas les affaires de son équipe, qui continue à s'en
servir comme joker, profitant de ses sursauts de réalisme
qui lui permettent quand même de marquer 6 buts en 2002/2003
et 10 la demi-saison suivante, au cours de laquelle il joue plus
(16 matchs) mais qui sert surtout à Anderlecht de moyen
pour lui faire augmenter sa valeur marchande. Résultat
: l'Angleterre s'offre à Moka. Un rêve ? Non, un
cauchemar puisque c'est Portsmouth qui l'engage ! Qu'à
cela ne tienne, il va s'efforcer d'y honorer son rang... de remplaçant.
Eh oui, le club anglais ne le fait jouer que 8 pauvres rencontres
au cours desquelles il parvient à inscrire un but.
Pourtant, alors qu'il est loin
de réaliser sa meilleure saison, Zlatko Kranjcar, le sélectionneur
de la Croatie, fait appel à lui pour l'Euro au Portugal.
Séduit par les derniers mois de l'attaquant en Belgique,
il lui permet de réaliser enfin son véritable rêve
: porter haut les couleurs rouge et blanche. Il va d'ailleurs
les honorer du mieux qu'il peut, en particulier lors du match
de 1er tour face aux Bleus. Souvenez-vous, ce match où
Mickaël Silvestre a offert l'égalisation à
Milan Rapajic, où Marcel Desailly a prouvé au monde
entier qu'il était bel et bien cagneux et où David
Trezeguet a démontré qu'une conduite de balle pouvait
aussi s'effectuer avec le bras. Dans cette rencontre à
couteaux tirés, c'est bien lui, Ivica Mornar, qui a failli
donner la victoire à son équipe dans les dernières
minutes du match. Mais c'était sans compter sur la propension
du joueur à échouer sans raison à quelques
mètres du but.
Et ses autres matchs ? Eh bien
pas grand chose, hormis quelques débordements bien sentis,
quelques fantaisies techniques bien lourdes et quelques chauds
duels avec ses adversaires.

Eh Ivica, ta ressemblance avec HPG ne t'autorise
pas à sodomiser Stephane Chapuisat !
C'est d'ailleurs pour cela que celui-ci se fait
remarquer, beaucoup plus que par ses actions fulgurantes, notamment
dans l'insipide 0-0 face à la Suisse.

"C'est la biscotte ou la calotte : vous
avez le choix monsieur Mornar !"
Et contre l'Angleterre alors, quid
de notre ami dégarni ? Oh pas grand chose, du moins rien
qui aît pu éviter une défaite 4-2 éliminatoire
pour la Croatie.
Retour donc aux affaires courantes
pour Moka, à savoir son avenir incertain. Peu satisfaits
par son rendement au cours de la mi-saison précédente,
les dirigeants de Portsmouth lui offrent donc de se ressourcer
auprès de joueurs qu'il semble toujours motivé d'affronter
: les Français. C'est donc le Stade Rennais qui hérite
du bébé. Un gros bébé qui semble convenir
à merveille à Laszlo Bölöni, puisqu'il
devient rapidement son ailier droit fétiche, remplaçant
ainsi un Olivier Sorlin parti chercher fortune à Monaco.
Et comme d'habitude, ses premières sorties font forte impression.
Quelle vitesse, quelle percussion, quelle envie, quelle qualité
de dribble, quels centres !!! Ses quelques passes décisives
resteront pourtant ses principaux faits d'arme. Car le Croate
aura tôt fait de se blesser durant cette saison 2004/2005.
Et comme d'habitude, il revient bien moins bon (enfin toutes proportions
gardées...), capitalisant de nouveau sur ses acquis et
sur sa capacité à avorter les actions. Ce qui explique
aisément pourquoi la direction du Stade Rennais ne renouvelle
pas le prêt de l'attaquant et le renvoie sur les bords anglais
de la Manche. A ce jour, la Ligue 1 reste le seul championnat
dans lequel le joueur n'est jamais parvenu à inscrire un
but. Le seul qu'il a marqué en Angleterre date d'ailleurs
de son premier séjour à Portsmouth, soit avant l'Euro
! Encore une fois, à la lumière de ce cas piedcarresque,
on peut se rendre compte des vertus déformatrices de notre
beau championnat.


ILS SONT LA !
Car depuis deux saisons, Mornar
ne fait plus que hanter les vestaires de Portsmouth. Avec 2 matchs
à son actif en 2005/2006, et un seul en 2006/2007, le Croate
a presque disparu du paysage footballistique. Son passage en L1,
sa vendangite aiguë, ses blessures récurrentes et
sa mise en cause dans une affaire de fraude à la naturalisation
en Belgique semblent avoir eu raison de sa carrière. Reste
dans nos mémoires l'image d'un joueur volontaire mais maladroit,
nanti d'une tronche de méchant de "Hollywood Night",
mais que ses ratés affligeants autant que ses coups d'éclat
erratiques contribuaient à rendre sympathique.

Une image collector : Mornar
avec le maillot de Portsmouth (elle ne doit pas dater d'hier...)
Son match parfait
Toujours désireux de poursuivre
sa carrière et de s'attirer les bonnes grâces de
l'un de ses anciens clubs, Ivica profite d'un petit tournoi de
préparation en Belgique entre son équipe de Portsmouth,
de laquelle il est toujours prisonnier, le Hajduk Split, le RSC
Anderlecht et le Stade Rennais. Aligné d'entrée
à tous les matchs par son entraîneur afin de lui
permettre de briller, et ainsi pouvoir le refourguer dans les
meilleures conditions, Moka réussit une première
rencontre pleine face à son club formateur de Split. Deux
buts et deux passes décisives pour une victoire 4-0 semblent
offrir à l'attaquant une porte de sortie vers celui-ci
mais Portsmouth, décidé à ne pas le brader,
met la barre financière trop haut pour la modeste équipe
croate. Le deuxième match, contre Anderlecht, voit un Mornar
toujours aussi motivé mais rendu maladroit par la déception
de ne pas avoir pu être vendu au Hajduk. Il compte néanmoins
séduire le club bruxellois mais, auteur d'une prestation
garnie de déchets techniques, il échoue à
raviver l'intérêt de ses anciens patrons, qui craignent,
de plus, de se voir rattraper par le dossier de fausse naturalisation
dans lequel avait trempé l'international. Dernière
chance pour Moka, son match contre Rennes. Dans une rencontre
relativement fermée où les occasions de briller
sont rares, Ivica se montre aussi volontaire que d'accoutumée
mais est une nouvelle fois handicapé par sa capacité
à tout rater dans les derniers mètres adverses.
Heureusement, ce n'est pas le cas dans sa propre surface où,
dans un ultime loupé, il offre la victoire au club breton
en taclant le ballon dans ses propres filets. Trop heureux de
le voir enfin capable de marquer en faveur d'une équipe
française, le président Rennais décide de
lui offrir un dernier contrat, synonyme de fin de carrière
dorée pour lui sur les bords de la Villaine.
T-Ray
02-05-2007