Jean-Joël Perrier-Doumbé
Lorsque l’on porte
un patronyme comme celui de ce cher Jean-Joël, seules deux
alternatives sont possibles. Surtout lorsque l’on choisit
le métier de footballeur professionnel. Soit sa carrière
explose et l’on fait pétiller à chaque match
les yeux des spectateurs, soit ça fait « pschiiitt
». Force est de constater qu’en ce qui concerne notre
ami, c’est bien le second cas de figure qui se présente,
malheureusement pour lui. Mais pas pour nous au sein de la team
Piedscarrés, car nous ne demandons pas mieux que des joueurs
de cet acabit pour approvisionner le site en chroniques succulentes.
Tout aurait pourtant pu se passer à merveille pour lui
s’il avait été formé ailleurs qu’en
Bourgogne. Non pas que l’AJ Auxerre de Guy Roux ne soit
pas une bonne pépinière de footballeurs, loin s’en
faut. Mais que dans le cas de Jean-Joël, c’est peut-être
quelques dizaines de kilomètres au nord, en Champagne que
celui-ci aurait le mieux carburé. Bref, passons.
« En fait je suis plutôt
gazness qu’Airness mais j’ose pas le dire. »
Creusons plutôt la question
du natif de Paris, dont la carrière a commencé à
Auxerre. Sorti du centre de formation en 1999 à l’âge
de 21 ans, de manière assez tardive, Perrier-Doumbé
ne fait ses débuts que l’année suivante en
équipe première. Dix matchs en 2000/2001, cinq en
2001/2002, le jeune parisien peine à se faire une place,
malgré ses 23 ans. Mais le meilleur est à venir
pour lui, car la saison suivante, plus souvent titularisé,
il remporte avec son club la Coupe de France. Ses performances
ont même un écho hors de France, au Cameroun, pays
d’origine de son père. Jean-Joël se prend alors
à rêver de revêtir la tunique des Lions Indomptables,
même s’il sait qu’être café au
lait au sein d’une sélection de vrais noirs africains
risque de lui attirer les quolibets en cas de gestes foireux et
d’erreurs défensives grossières.
« Mon teint, c’est
Vichy Célestins. »
Mais le défenseur ne se
dégonfle pas. Il sait ce qu’il a dans le ventre et
a conscience qu’il peut atteindre les hautes sphères
footballistiques aussi sûrement qu’une montgolfière
atteint les cieux dans la plus parfaite sérénité.
Et sait qu’être métis franco-camerounais peut
tout à fait lui valoir une reconnaissance dans ses terres
paternelles en cas de succès. L’exemple de son illustre
aîné tennisman Yannick Noah est là pour le
lui prouver. Le sélectionneur camerounais l’appelle
donc afin de tenir le poste de défenseur central au cours
de la Coupe des Confédérations 2003 en France. Souvenez-vous,
celle où le monde du football en deuil a pleuré
la disparition de Marc-Vivien Foé. Mais c’était
en demi-finale et entre temps, Jean-Joël a su être
performant au cours des matchs réussis de l’équipe
camerounaise.
« Je vais leur montrer
que je ne suis pas un blanc-quignol. »
Malgré la défaite
en finale, le Cameroun sort de la compétition avec fierté.
Et Jean-Joël aussi, persuadé qu’il est d’avoir
de beaux jours qui l’attendent sous le maillot vert des
Lions. De retour à Auxerre, sa saison 2003/2004 est moins
réussie. Il en va de même pour celle du club. Alternant
entre titularisations et entrées en cours de rencontre,
il termine la saison avec dix-neuf matchs joués. Voyant
les talentueux Boumsong, Mexès et Cissé quitter
le navire à la fin de la saison, Perrier-Doumbé
se dit lui aussi qu’il peut tenter sa chance dans un grand
club comme ses coéquipiers s’apprêtent à
le faire. Ni une ni deux, le Franco-camerounais choisit de rejoindre…
le Stade Rennais.
« Le maillot auxerrois
est trop petit pour moi… et il me moule trop ! »
A Rennes, il devient l’un
des joueurs préférés de Bölöni.
Mais pas du public car la défense rennaise possède
alors un côté friable assez prononcé que ne
goûtent pas trop le public de la Route de Lorient. D’ailleurs
le sélectionneur des Lions Indomptables se rend bien compte
que son joueur n’est pas exempt de reproches sur les buts
encaissés par l’équipe bretonne… et
ne le sélectionne plus beaucoup. Il faut dire qu’il
n’est pas aussi myope que ne l’est l’entraîneur
roumain.
"Ce blanc-bec doit carburer
à la Salvetat pour courir aussi vite !"
Jean-Joël se fait de plus
en plus lourd sur le terrain. Et le départ de Bölöni
sonne le glas de son statut de titulaire. Pierre Dréossi,
qui lui succède, a pris l’habitude de regarder son
équipe jouer depuis les tribunes au cours des saisons précédentes
et comme les spectateurs, il a pu se rendre compte des effets
secondaires que procure l’utilisation abusive du Franco-camerounais
: flatulences, énervements, digestion difficile de ses
erreurs défensives... Tout comme un lambrusco pas vraiment
frais que l’on boit l’été : il saoule
vite et donne des gaz. Le pauvre Jean-Joël n’a alors
plus beaucoup de raison de voir la vie en rose. Et encore moins
en vert. Oublié par l’équipe nationale du
Cameroun, il doit se résigner à cirer le banc rennais
à longueur de match. Son seul véritable plaisir,
les vacances qu’il prend au pays de son père, où
plus grand monde ne veut le reconnaître, et d’où
ses dirigeants aimeraient ne pas le voir revenir.
« - Eh les gars, je pars
au Cameroun !
- Ben restes-y ! »
Bref, à 29 ans, la carrière
du défenseur a du plomb dans l’aile et il semble
que cela ne puisse passer que par un départ du Stade Rennais.
Un conseil Jean-Joël, si tu veux t’en sortir, ce n’est
pas le moment de rester dans ta bulle, jette-toi à l’eau
au prochain mercato car le temps semble déjà couler
trop vite pour toi.
« Dis, tu crois que je
rejouerai un jour en équipe nationale ? »
Son match parfait :
A l’occasion du deuxième
tour de la Coupe de la Ligue 2010/2011, Jean-Joël retrouve
une place de titulaire au sein de l’équipe rennaise,
qui l’a finalement conservé, pour affronter son ancien
club, l’AJ Auxerre. A 32 ans passés, le Franco-camerounais
a maintenant de la bouteille et sait parfaitement gérer
la pression des matchs de coupe. Cette saison, Bouygues Télécom
vient d’arrêter de sponsoriser la compétition
et a laissé ce privilège à la marque Perrier.
Troublante coïncidence, ce sont les Rennais qui récupèrent
le maillot floqué au nom de la célèbre eau
gazeuse. Jean-Joël se retrouve alors avec son nom au verso
ET au recto de sa tunique. L’occasion est trop belle et
le Franco-camerounais s’apprête à livrer une
performance puissance deux au public de la Route de Lorient. Durant
les 90 minutes du match, il dégoûte l’intégralité
des joueurs auxerrois qui tentent de percer la défense
centrale et l’endurance de feu qu’il développe
au cours de la rencontre est à l’origine du seul
but qui qualifie les Rennais. Sur une percée foudroyante
plein axe depuis sa surface de réparation, il déclenche
une frappe comme mue par une pression hydraulique et qui vient
finalement se loger dans le petit filet du gardien bourguignon,
dégommant au passage sa misérable gourde d’eau
plate située derrière le but. Le vestiaire breton
est survolté et sabre le champagne en l’honneur de
celui qui a rafraîchi littéralement le jeu rennais
au cours de la partie.
T-Ray
13-01-2007