Cyril Rool
Il n’est pas facile de se
lancer dans l’écriture lorsqu’il s’agit
de chroniquer l’œuvre d’un joueur comme Cyril
Rool. D’une, il y a tant de choses à dire qu’une
vie entière ne serait pas suffisante. Et de deux, il faut
peser chaque mot sous peine de se faire sévèrement
tacler par l’intéressé.
Target locked
C’est donc à mes risques
et périls que je vais tenter d’aborder les aspects
essentiels de la carrière de la Terreur de Pertuis.
Cyril Rool est révélé aux yeux d’un
public incrédule sous les couleurs du Sporting Club de
Bastia où il jouera de 93 à 98. Les footeux découvrent
au fil des saisons un joueur conquérant, hargneux, dur
sur l’homme et n’ayant pas son pareil pour se faire
réprimander par le corps arbitral. Très tôt
naît sa réputation de brute épaisse insolente,
véritable fighter récoltant une moisson phénoménale
de cartons jaunes et rouges chaque année.
Ses qualités guerrières séduisent le Racing
Club de Lens qui engagent le joueur juste après le titre
de champion sang et or, un temps que les moins de sept ans ne
peuvent pas connaître, à l’époque où
l’OL n’existait pas encore.
« J’en reviens pas,
l’arbitre m’a même pas foutu un carton »
Si les biscottes qu’on lui
brandit sous le nez demeurent fréquentes, son temps de
jeu quant à lui diminue et après trois saisons,
Cyril est prêté à l’Olympique de Marseille…
pour quatre matches avant que Bernard Tapie ne l’expédie
à Monaco dans le cadre d’un échange avec un
autre poète du ballon rond, Franck Jurietti.
C’est de jouer avec Pascal
Nouma et Fabrice Fernandes qui te fait marrer ?
Après l’ASM, c’est
le retour à Lens pour deux saisons mitigées, puis
les Girondins de Bordeaux avec lesquels Cyril se révèle
à un nouveau poste, celui de milieu défensif. Notre
tondeuse à gazon française hérite enfin d’un
rôle à la mesure de son talent. Il n’a plus
seulement pour mission de contrer les débordements de l’ailier
droit adverse, il doit désormais anéantir toutes
les offensives adverses, et peu importe les moyens employés
et les dégâts causés.
« Hahaha sa jambe est
toute tordue ! »
Non conservé par les Bordelais
en dépit d’une saison honorable, Rool se console
en constatant que sa carrière a pris un nouvel envol. L’OGC
Nice, club que Cyril a rejoint après son année en
Gironde et dont il défend les couleurs depuis juillet 2005,
peut se vanter de posséder dans ses rangs le joueur le
plus sanctionné de L1 avec dix-neuf cartons rouges et plus
de 130 jaunes au compteur en douze années au haut niveau.
Pause applaudissements
Des chiffres qui ne sont évidemment
pas définitifs au grand désarroi de ses victimes
futures.
Cependant, émettons un bémol. Il serait injuste
de considérer Cyril Rool comme un assassin des terrains
de foot. Dans la vie de tous les jours, il est de notoriété
publique que le Niçois est un mec tout ce qu’il y
a de fréquentable, pas sauvage pour un sou. En revanche,
dès qu’il entre sur un terrain, Docteur Cyril devient
Mister Rool. Il se transforme en une bête sanguinaire, avide
de tibias frais et de pieds en compote.
Téméraire soldat,
totalement dévoué à son équipe, Cyril
possède donc une qualité rare dans le football actuel,
celle de ne pas calculer, de se battre (dans tous les sens du
terme parfois) non-stop pendant 90 minutes, et ce, quel que soit
l’adversaire ou l’importance du match.
Un geste technique rare, le
tacle à la jugulaire
Vous l’aurez compris, Cyril
Rool est un joueur apprécié au sein de la team PiedsCarrés.
Cela dit, nous ne pouvons nous empêcher d’évoquer
les autres qualités qui doivent ordinairement figurer dans
la panoplie du footballeur lambda. Et c’est là où
le bât blesse puisqu’il faut bien l’avouer,
l’ancien Bastiais possède un bagage technique d’une
pauvreté Dianbobobaldéenne. En de trop rares occasions,
des éclairs de génie fusent mystérieusement
de son pied gauche, son pied servant à toucher le ballon,
le droit ne supportant que le contact d’un mollet adverse.
Mais ces actions sont trop sporadiques pour faire du joueur une
véritable gachette. Car, à ce compte-là,
Stéphane Dalmat serait le nouveau Ronaldinho et Taye Taiwo
le Juninho gaucher. Rappelons que Rool n’a inscrit que quatre
buts en L1, et presque exclusivement sur des reprises de volées
dévissées.
Le nombre de ses victimes inscrit
sur son maillot. Morbide.
Mais trêve de moqueries !
Cyril, écoute-moi bien. Tu t’es un peu trop calmé
ces derniers temps. Preuve en est, nous sommes en décembre
à l’heure où j’écris et tu n’as
toujours pas été expulsé cette saison. Qu’est
ce que tu fous ? Faut te réveiller, enfiler les crampons
de 12 et aller fraguer tous azimuts dans ce vaste champ de tir
qu’est le championnat de L1. Parce que tu auras beau marquer
tous les buts chanceux que tu voudras, y’a que lorsque tu
te fais taper sur les doigts par l’arbitre que tu nous fais
frémir.
Son match parfait
Décembre 2007, Frédéric
Antonetti est enfin viré de l’OGC Nice après
un début de saison catastrophique. La vente de Matt Moussilou
à Chelsea pour 30 millions d’euros n’a jamais
été digérée par les supporters qui
réclament la démission de toute l’équipe
dirigeante ainsi que le déménagement du Stade du
Ray en Italie. Maurice Cohen déclare alors que «
Quitte à être sanctionnés pour les arbitres,
autant l’être pour de bonnes raisons ». Le Président
évince donc Antonetti pour promouvoir Cyril Rool entraîneur-joueur
tout en lui laissant carte blanche en vue du mercato. Le gaucher
ne se fait pas prier pour bâtir une équipe de bourrins
patentés. Sidi Keita, José Pierre-Fanfan, Cyril
Jeunechamp et Blaise Kouassi sont recrutés afin d’évoluer
dans un 9-0-1 avec Baky Kone seul en pointe pour prendre de vitesse
les joueurs adverses qui seront irrémédiablement
blessés. Les effets de ce changement ne tardent pas à
se faire sentir puisque pour le 8 janvier, le GYM ramène
un résultat nul héroïque de Gerland 10 contre
11 après que Cyril Rool ait montré la voie en faisant
un tacle si monstrueux à l’encontre de Nilmar que
l’onde de choc fit sauter le pace-maker de Gérard
Houllier. Tel un surfeur ayant enfin trouvé la vague ultime,
Cyril Rool quitta le terrain avec le sentiment qu’il ne
pourrait plus jamais recevoir un rouge aussi mérité
et se consacra dès lors uniquement à sa carrière
de coach.
Deez
21-12-2006