Severino Lucas
Le Stade Rennais est bien moins
médiatique que l’Olympique de Marseille ou le Paris
Saint-Germain. Pourtant, du point de vue de la loose pure et dure,
les Bretons savent rivaliser, et spécialement sur le marché
des transferts. Ces dernières années, les pensionnaires
de la Route de Lorient ont réussi de forts jolis coups.
Petr Cech, Alexander Frei ou encore John Mensah. Mais ce sont
là des arbres cachant une forêt très dense
où d’étranges spécimens ont vécu
tels que Mario Turdo, Vander, Ivica Mornar, Gabriel Loeschbor,
Alain Rochat, Georgi Ivanov, Adailton ou encore Andres Fleurquin.
Bien que cette blacklist soit très alléchante, aucun
de ces joueurs ne nous intéresse aujourd’hui. Non
! Ce ne sont que des délinquants juvéniles en comparaison
avec l’incroyable truand que nous allons évoquer.
La monstrueuse arnaque, le pire rapport qualité prix possible
et imaginable, l’énième étoile filante
du football brésilien : Severino Lucas !
Tremblez Pauleta, Cissé
et autres Nonda, vous avez un rival…
Un nom qui provoque forcément
de chaudes larmes chez les supporters et sympathisants rennais,
à commencer par François Pinault, propriétaire
du club, qui avait dépensé une fortune pour acquérir
le jeune attaquant.
Rappelons le contexte. En 2000, le Stade Rennais rêve de
gloire et de titres. L’une des plus grosses fortunes de
France, François Pinault vient de s’offrir le club
breton et semble tout disposé à gaspiller son argent.
Dans le même temps, l’OM s’apprête à
lâcher environ 10 millions d’euros pour recruter un
jeune buteur brésilien aux statistiques pharaoniques dans
son pays. Rien de tel pour imposer son autorité que de
faire la nique à Marseille se dit-on alors du côté
de la Bretagne. Une surenchère est proposée au club
de l’Atletico Paranaense. Et pas une surenchère de
lopette ! Plus du double. 21 millions d’euros.
« Oui c’est bien
ça 14 sélections et 3 buts avec le Brésil.
Hahaha… »
Incapable de s’aligner, l’OM
s’en va chiner ailleurs en maudissant le Stade Rennais pour
le vilain tour qu’il vient de jouer. Mais très vite,
la frustration se transformera en soulagement, puis comme partout
en France, en une franche rigolade tant Severino Lucas s’avérera
être un flop monumental.
Pour quelles raisons peut-on parler
de bide ? Déjà parce que le clampin va devoir attendre
une dizaine de matches avant de faire trembler les filets pour
la première fois. Le 14 octobre 2000 pour être précis.
Avant cette délivrance, les gardiens de but de L1 se sont
régalés des frappes de mouche que le Brésilien
leur adressait directement dans les bras. Du moins quand il parvenait
à cadrer ses tirs parce que Severino mettait également
souvent à contribution les ramasseurs de balle. Ces derniers
terminaient les matches épuisés à force d’aller
rechercher des ballons dans les entrailles du stade de la Route
de Lorient.
Une fois le premier pion planté,
les spectateurs attentifs pouvaient penser le mécanisme
débloqué et la machine à marquer enfin à
sa vitesse de croisière. Que nenni ! Le Brésilien
va continuer toute la saison durant à traîner sa
carcasse mollassonne et désabusée partout en France
avec la même impuissance offensive. Trois autres buts viendront
toutefois compléter son palmarès de la saison 00/01,
portant donc son total à quatre.

L’équation impossible.
L’exemple de Raï étant
encore dans toutes les têtes, les éternels optimistes
bretons espéraient que la seconde saison de Severino Lucas
serait celle d’un feu d’artifices de buts, ou bien
ne serait pas. Force est de constater que c’est pour la
deuxième option que le Brésilien a opté.
En 33 rencontres, l’attaquant ne fait trembler les filets
qu’à deux malheureuses reprises. Une véritable
honte quand on sait que cette année-là, Nicolas
Goussé termina avec 15 buts, Tony Vairelles avec 14, Dagui
Bakari avec 9, ou encore Lamine Sakho, Pius N’Diefi et Patrice
Loko avec 8.
Il est donc décidé
que ce margoulin doit rentrer au pays. Au Cruzeiro tout d’abord,
puis aux Corinthians, à chaque fois dans le cadre de prêts.
Mais bien que les sensations reviennent et que le Brésilien
marque de nouveau des buts, Severino gagne trop d’argent
pour signer définitivement dans son pays et il n’est
pas assez bon pour que de gros clubs cassent leur tirelire. Retour
à la case rennaise donc.
Et contre toute attente, alors
que les Bretons viennent de nommer Laszlo Bölöni à
la tête du club en remplacement de Vahid Halilhodzic, parti
vomir sur le banc du PSG, le Stade Rennais accorde une troisième
et dernière chance à Sévérino à
l’aube de la saison 2003/04. Il faut dire aussi que la somme
astronomique dépensée pour acquérir ce joyau
est toujours coincée dans les gorges des dirigeants, eux
qui nourrissent encore le secret et fol espoir de rentrer un jour
dans leurs frais. Cependant, après onze matches sans le
moindre but, il faut bien se rendre à l’évidence,
Severino Lucas est nul à chier.
« Hep. Taxi ! Je veux
rentrer chez moi par pitié. »
Et c’est le Japon, autre
eldorado pour loosers brésiliens (Reinaldo, Edilson,…)
qui lui ouvre ses portes en 2004. Severino y retrouve une certaine
joie de vivre avec son club du FC Tokyo. Il y devient même
une gâchette sur laquelle on peut compter, bien que son
équipe soit l’une des plus faiblardes du pays du
soleil levant. Voici d’ailleurs ce qu’écrit
le site internet tokyoïte au sujet de Severino : "Skilled
at retaining possession in advanced positions. Powerful heading,
lethal shot with both feet. Consistent scorer of vital goals”.
Que l’on pourrait traduire grossièrement par “doué
pour la protection de balle aux avants-postes, bon jeu de tête,
tirs puissants des deux pieds. Marque régulièrement
des buts importants." Bref tout le contraire de ce à
quoi il nous avait habitué dans l’Hexagone.
« Je ne reste à
Rennes qu’à une seule condition. Que Severino dégage
! »
En résumé, Severino
Lucas n’est sans doute pas le pire joueur à avoir
foulé les pelouses françaises. Loin s’en faut.
Mais le prix exorbitant que le Stade Rennais a déboursé
pour l’acquérir conjugué à ses stats
déplorables en font un allié de poids pour notre
cause. Ses courses au ralenti, son manque total d’implication
envers son club, ainsi que son rendement cataclysmique, tout cela
contribue à faire de Severino Lucas un pied carré
mythique que l’on ne pouvait laisser sombrer dans les abysses
des mémoires collectives. Rassure-toi ô toi l’Artiste,
nous ne t’oublierons jamais.
Son match parfait
Depuis son exil japonais,
Severino Lucas rumine sa rancœur envers la France, pays où
son talent a été incompris. Alors que son contrat
avec le FC Tokyo arrive à expiration, l’attaquant
brésilien réfléchit à l’orientation
qu’il souhaite donner à sa carrière. Un retour
au Brésil ou une nouvelle expérience en Europe ?
Nous sommes en janvier. Dans le championnat français, le
Dijon Football Côte d’Or, promu en L1 à l’issue
du précédent exercice, bataille pour son maintien.
Un objectif corsé pour les Bourguignons, d’autant
plus que Romain Poyet et Helder Esteves sont gravement blessés.
Les dirigeants dijonnais pensent avoir trouvé un renfort
de poids quand arrive sur leurs bureaux le cv d’un international
brésilien, trois fois buteurs en seleçao, pas encore
29 ans et libre de tout engagement. Un certain Lucas Severino,
inconnu au bataillon. Grâce à la simple inversion
de ses patronymes, le Brésilien se faufile au milieu de
tous ses compatriotes éparpillés dans l’hexagone
et revient donc ni vu ni connu en L1 avec la ferme intention de
se venger. A chacune de ses entrées en jeu, Lucas part
s’installer dans les seize mètres adverses et se
prépare un barbecue sans esquisser le moindre geste. Ce
petit jeu agace fortement Rudy Garcia qui n’utilise plus
cet attaquant fainéant. Mais, face à une nouvelle
pénurie offensive, le coach est obligé de titulariser
Lucas lors du dernier match de la saison… à Rennes.
Le moment est enfin venu pour le Brésilien de mettre à
exécution son plan diabolique. Ayant pris soin de se peinturlurer
le visage à l’image de The Crow, Severino agresse
sauvagement les Bretons. Cyril Jeunechamp y perdra définitivement
ses rotules tandis que Mario Melchiot terminera la rencontre avec
la boule à zéro. Pendant les arrêts de jeu,
la Route de Lorient ressemble à un charnier. Seul être
vivant encore debout, Severino Lucas pousse le ballon au fond
des filets d’un Pouplin dont la carcasse fumante nourrit
des vautours (des vrais, pas des agents de joueurs). En guise
de célébration de joie, Severino se contente d’un
simple regard de défi envers un catalogue de La Redoute
qui traînait par là.
Deez
24-01-2007