Luc Sonor
« Je vous parle d’un
temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Au foot en ce temps là, on brisait des tibias… »
C’était la fin des années 1980, le début
des 90’s, époque bénie ou le modèle
standard de défenseur était celui qui, pour arrêter
un adversaire, était capable en deux temps trois mouvements
(parfois un seul, bien placé, suffisait) de littéralement
détruire la jambe de celui-ci et ne s’en sortir qu’avec
un petit carton jaune voire, s’il était chanceux,
sans même un avertissement. Certes, les attaquants qui subissaient
leurs sévices étaient ô combien plus solides
que ceux qui parcourent les terrains aujourd’hui en pleurnichant
au moindre petit coup (qui a dit Marouane Chamakh ?), mais il
reste que ces défenseurs n’avaient pas leur pareil
pour découper et assaisonner leur vis-à-vis tout
au long des matchs, peut-être pour préparer une éventuelle
reconversion dans le métier de traiteur une fois leur carrière
achevée.
La plupart le faisaient d’ailleurs
avec classe et style, comme les sensationnels José Carlos
Moser, Eric Di Meco, Bernard Casoni ou encore Bruno Germain. Les
autres étaient plutôt du genre à charcuter
sans véritable talent. Malgré leur sympathie certaine,
leur trouver d’autres qualités que leur brutalité
relevait du brainstorming caractérisé. Le roi de
cette catégorie était sans aucun doute Luc Sonor.
Le précurseur des bouchers modernes, l’un des derniers
modèles de ces bourreaux à crampons que l’on
aime tant à piedscarres.com. Car après lui, la mode
des bourrins monocarac s’est éteinte et ceux qui
désiraient exercer leur agressivité ont dû
le faire ailleurs que sur des terrains de foot. Ils se sont alors
tournés vers d’autres sports, le cinéma, ou
la musique.
« C’est évident
! Joey Starr m’a tout piqué ! De ma tronche à
ma brutalité ! »
Mais revenons à notre ami
Luc, l’homme grâce auquel les petits enfants qui n’avaient
pas l’occasion d’assister aux violences de la rubrique
faits divers du journal de 20 heures pouvaient se rattraper en
assistant à ses crimes en direct lors des matchs de foot
en prime time. C’est d’abord à Metz, son club
formateur, que le Guadeloupéen fait ses premières
armes, en 1980. Il est alors, chose étonnante, un joueur
assez polyvalent, capable de jouer en attaque et à tous
les postes du milieu de terrain. Mais au fur et à mesure,
le staff messin se rend compte de sa grande aisance à faire
souffrir l’adversaire et le replace petit à petit
en défense centrale. Le jour de la finale de la Coupe de
France 1984, il est replacé au poste d’arrière
droit et muselle littéralement ses adversaires directs.
Il ne montre encore pas les dents, ou plutôt les crampons,
à l’époque mais ses efforts défensifs
contribuent à la victoire finale du FC Metz.
Un titre qui lui permet de jouer
la Coupe des Coupes et d’affronter le FC Barcelone au premier
tour de la compétition. L’un des plus beaux exploits
du football français puisque les Messins, battus 4-2 à
domicile au match aller avaient su éliminer les Catalans
au Camp Nou grâce à une victoire 4 buts à
1. Une performance collective et individuelle qui permet à
Luc de s’attirer les bonnes grâces de l’AS Monaco
qui l’engage la saison suivante et qui le balade en deux
saisons du poste de stoppeur à celui d’arrière
droit puis d’arrière gauche. C’est dans ce
rôle de numéro 3 que le joueur va s’épanouir…et
empêcher ses adversaires de faire de même sur le terrain.
Il commence par s’attacher
les cheveux puis se met à aiguiser ses crampons. Sa transformation
est rapide. D’un joueur multifacette il devient un vrai
tôlier, abandonnant toute sa variété de jeu
pour se consacrer à la mutilation pure et simple de l’adversaire.
Et cette propension à la torture se bonifie avec le temps
et l’expérience. A la fin de son expérience
monégasque en 1995, même les plus talentueux joueurs
du championnat redoutaient le Guadeloupéen, reculant souvent
face à son faciès et sa violence dignes du Pascal
Légitimus des « Miséroïdes ».
« Valdo ! T’es qu’un
PD ! »
Sa carrière sous le maillot
de la principauté reste néanmoins sa plus grande
fierté. Si c’est à cette période que
ses exactions lui valent d’être haï par de nombreux
supporters, notamment ceux de l’AS Cannes qui lui réservaient
en guise d’accueil l’entêtant refrain «
Sonor, tu pues, va te laver le cul ! », c’est aussi
au cours de ses années monégasques que l’Antillais
connaît ses 9 sélections en équipe de France,
presque toutes obtenues sous l’ère, infructueuse
certes, de Michel Platini. Celui-ci ne l’emporte pourtant
pas dans ses bagages pour l’Euro 92 en Suède, qui
s’avère un échec pour les Bleus. Sa dernière
pige sous le maillot de l’équipe de France, Luc Sonor
l’effectue en 1993, sous la direction de Gérard Houillier,
avant que celui-ci ne se manque lamentablement dans la course
à la qualification pour le Mondial 94 aux Etats-Unis. Jamais
plus les Bleus ne l’accueilleront par la suite et Aimé
Jacquet lui préférera des brutes plus jeunes et
plus talentueuses.
Désolé Luc mais
à ton poste, c’est le Jean-Pierre François
de l’OM, Eric Di Meco, qui te survivra.
A 33 ans, l’âge du
Christ, le Guadeloupéen quitte son ASM chérie, grâce
à laquelle il a remporté un championnat de France,
deux Coupes de France et perdu une finale de Coupe des Coupes,
et s’en va porter sa croix en terre écossaise, pays
de virils Highlanders ou les bourrins sur le retour aiment terminer
leur carrière en apothéose. C’est à
Ayr United qu’il s’échoue donc pour deux saisons
avant de prendre définitivement sa retraite, laissant aux
amateurs de football et surtout à ses adversaires un souvenir
indélébile (souvent sur la cheville).
La voie des airs : la meilleure
façon d’éviter ses tacles assassins.
(Remarquez que pour une fois, c’est lui qui est strappé).
Aujourd’hui, notre cher Luc
s’est rangé et s'est fait des amis de ses anciennes
victimes. Il travaille d’ailleurs en tant que conseiller
technique pour la chaîne Canal+, pour laquelle il prend
plus de risques que lors de sa carrière de footballeur
puisqu’il avait connu un grave accident en compagnie du
journaliste Alexandre Ruiz en partant commenter un morbide Troyes-Metz
en novembre 2005. Sa fracture du bras aurait sans doute fait plaisir
à ses adversaires, à l’époque où
il foulait les pelouses, mais la finesse dont il fait preuve aujourd’hui
dans le giron télévisuel ainsi que sa légendaire
sympathie lui ont valu les bons vœux de rétablissement
de tout le petit monde du football. Et sa passion non feinte pour
le ballon rond a eu tôt fait de le ramener dans les coulisses
de la chaîne cryptée. Désormais, il s’y
éclate, même si parfois l’envie lui reprend
de rechausser les crampons. A l’occasion de jubilés…ou
de plaisirs défendus…
« J’te jure c’est
pas l’envie qui me manque de massacrer Philippe Doucet…
»
Son match parfait :
Finale de la Coupe des Coupes 1992,
l’AS Monaco rencontre le Werder de Brême. Les monégasques
sont tendus et n’arrivent pas à entrer véritablement
dans le match. Ils dominent mais ne trouvent pas l’ouverture
et à la 41ème minute, le virevoltant préretraité
Klaus Allofs s’infiltre dans la défense, s’apprête
à frapper et… se fait brillamment reprendre par Luc
Sonor qui laisse le dinosaure allemand brisé sur le sol
et part en contre-attaque, en compagnie de Rui Barros. Son une-deux
ultra rapide avec le Portugais lui permet de décaler idéalement
George Weah qui catapulte le ballon au fond des filets d’une
frappe du cou de pied magistrale. 1-0 pour l’ASM. Au retour
des vestiaires, les Monégasques reprennent leur domination
et subissent un contre de Rufer, lequel a le but de l’égalisation
au bout du pied avant de subir un coup de crampons fabuleux au
niveau du tibia de la part de Luc Sonor, qui une nouvelle fois
sonne la charge pour les rouge et blanc. Après un superbe
centre de Jérôme Gnako côté droit, le
Guadeloupéen parvient à reprendre la balle d’une
tête rageuse ET A INSCRIRE LE BUT DE LA VICTOIRE POUR L’AS
MONACOOOOOOO !!! « ON EST LES CHAMPIONS, ON EST LES CHAMPIONS,
ON EST ON EST ON EST LES CHAMP grzzjpprgrdrzgp…
Hervé Mathoux : -
Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Qui a refait
le montage et le commentaire de la rétro sur l’épopée
de Monaco en Coupe des Coupes 1992 ?
Alexandre Ruiz : - Je sais pas, j’avais dit à Philippe
Doucet de le faire ! Mais c’est même pas sa voix !
Où est Philippe ?
Un technicien : - Il est à l’hôpital, il a
la jambe cassée et on a laissé Luc Sonor faire le
travail à sa place…
Hervé Mathoux : - C’est pas possible, il était
déjà pas technicien en tant que footballeur, il
va pas le devenir à la télé !
Alexandre Ruiz : - Attention ! Derrière toi !!!
Voix inhumaine : - MEEEEUUUUUAAAARGHHH !!!!!!
Hervé Mathoux : - Non Luc, non ! Je voulais pas dire çaaaaïïïïïeeeeuuuuuhhhhhhhhh
!!!!!!!
Alexandre Ruiz : - Je vous avais dit de planquer ses crampons…
»
T-Ray
24-01-2007