Vampeta
Le Brésil est une terre
unique au monde. Un vrai melting pot ou le mélange des
genres, au sens propre du terme, se fait de manière quasi-naturelle.
Il suffit de faire quelques pas dans les rues de métropoles
telles que Rio de Janeiro ou Sao Paulo, en particulier dès
la tombée de la nuit, pour s'en rendre compte. Je n'ai
pas encore eu l'occasion de m'y rendre pour en juger mais heureusement,
certains ambassadeurs du pays de la samba sévissent assez
régulièrement sous nos yeux pour nous confirmer
cet état de fait. Je veux parler des footballeurs, bien
sûr, membres d'une diaspora qui ne cesse chaque année
d'alimenter les championnats européens et notre chère
Ligue 1 en particulier. Mais si la majorité des joueurs
"auriverde" ne présentent pas cette ambiguïté
toute brésilienne, il en est un qui la personnifie au plus
haut point. Un milieu de terrain qui n'a foulé les pelouses
françaises qu'une seule saison mais qui a laissé
un souvenir impérissable aux plus fins observateurs du
football hexagonal, dont la team piedscarres, pour qui son nom
résonne comme une légende : Vampeta.
Le jaune "cocu" lui
va si bien.
Comme la plupart des joueurs issus
des favelas, notre ami découvre le football dans la rue
avec ses camarades, qu'il aime à retrouver pour partager
le plaisir de l'effort physique. Très vite, il devient
accro au flot de testostérone que déchaîne
la pratique de ce sport collectif. Il rejoint rapidement un club
de sa ville natale de Nazaré das Farinhas, où il
s'éclate véritablement. La proximité avec
les jeunes garçons de son âge lui permet d'affirmer
sa personnalité profonde et il se régale littéralement
de tout l'environnement qui entoure le football. Sur le terrain,
il développe une grande fantaisie, inspirée des
activités des femmes de sa famille qu'il admirait enfant.
Dans les vestiaires, il devient le boute-en-train, adulé
par ses coéquipiers, avec lesquels il s'adonne à
des jeux pleins d'innocence comme le ramassage de savonnette ou
encore le "combien elle mesure la tienne?". Les coéquipiers
en question deviennent en peu de temps ses partenaires puis ses
amis. Ils le resteront d'ailleurs, même après ses
performances en Europe et en sélection. Un entourage qui
reste très proche de lui en dehors du terrain.
"Avec mes amigos, on s'éclatche
super bem !"
Devenu un jeune joueur prometteur,
il embrasse goulûment la carrière professionnelle
qui s'ouvre devant lui. Il quitte Bahia et signe son premier contrat
avec le club de l'EC Vitoria. L'adolescent est alors presque un
homme, au physique athlétique (1m82, 79 kg) et au sourire
ravageur. La moustache, qu'il se plait à porter en hommage
au célébrissime policier-chanteur du groupe Village
People, accentue encore plus ce côté Appollon qui
lui amènera le succès auprès de la gent féminine
et, bien sûr, masculine. Et auprès des recruteurs,
puisque ceux-ci s'arrachent le sex-symbol. Son agent le fera en
effet tourner de club en club pas moins de treize fois depuis
ses débuts sous le maillot de Vitoria. Il connait ainsi
l'Europe très vite en rejoignant le PSV Eindhoven l'année
de ses vingt ans. Une petite saison et puis s'en va, sous forme
de prêt, au club brésilien de Fluminense. Son aventure
sur le vieux continent n'est pas pour autant terminée.
Il revient en grâce aux yeux du staff du PSV, club auquel
il appartient alors toujours.
Les Hollandais apprécient
de nouveau sa polyvalence, sa propension à pénétrer
les défenses les plus resserrées et sa capacité
à harceler défensivement les attaquants les plus
frétillants. Il devient le seigneur du milieu de terrain
du Philipstastion, qu'il parcours aussi bien vers le but adverse
que vers le sien, et remporte le championnat des Pays-Bas. Mais
Vampeta est sentimental. Son pays lui manque et en 1998, il retourne
au Brésil, plus exactement aux Corinthians de Sao Paulo,
l'un des plus grands clubs de la mégapole. C'est durant
ces deux saisons qu'il décroche à deux reprises
le ballon d'argent brésilien, le "Placar". Rien
à voir avec le film de Francis Veber, même si celui-ci
trône aujourd'hui en bonne place dans la vidéothèque
du Brésilien, qui a un jour avoué apprécier
grandement le sujet du long métrage. C'est à cette
même époque que le joueur connait ses premières
sélections en équipe nationale brésilienne.
Ses coéquipiers dans la "Seleçao" connaissent
sa réputation et Vampeta se montre aussi sympathique et
proche envers eux en dehors du terrain qu'intransigeant sur le
rectangle vert.
"- Ouille, un peu rude
ton marquage à la culotche, Marcos.
- Ch'ai pas pu résister, mon Ronaldou !"
Champion du Brésil 1998
et 1999, vainqueur de la Copa America avec la sélection
"auriverde" en 1999, c'est l'heure de gloire pour le
fringant moustachu. Il devient une icône et se met à
poser pour les magazines en tout genre, du plus sérieux
au plus coquin.
"C'est super Marcos, maintenant
tu te mets sur le filet et tu fais la barre transversale."
L'Europe le réclame de nouveau.
Mais le joueur veut désormais profiter des bénéfices
de sa carrière, joindre l'utile à l'agréable,
"se faire plaisiou" comme on dit chez lui. Il ne choisira
plus que des destinations où il pourra donner libre cours
à sa frivolité et à sa passion pour le royaume
de la nuit, où son pseudonyme de "Vampeta" pourra
retrouver tout son sens. C'est d'abord pour Milan qu'il s'envole,
et signe avec l'Inter en 2000. Mais les discothèques milanaises
ne le satisfont pas. Il ne s'y amuse pas. Et l'intérêt
que lui montre le Paris Saint-Germain a tôt fait de le convaincre.
Après moins de six mois en Italie, il débarque en
France, prêt à déflorer un championnat de
Ligue 1 encore vierge de son talent. En une demi-saison, courte
mais intense, il joue la somme faramineuse de sept matchs et trouve
le temps d'inscrire un joli but contre Auxerre.

"Obrigado por la passe,
t'auras ta récompense dans les vestiaires."
Ses rapports avec le public du
Parc des Princes ont beau rester au stade des préliminaires,
ceux qu'il entretient avec les afficionados des night-clubs parisiens
sont beaucoup plus profonds et ceux-ci le regretteront lorsqu'à
la fin de la saison 2000/2001, le PSG choisira de le renvoyer
dans son pays sans prendre de gants. Le Brésilien, lui,
n'oublie pas d'emmener les siens (non non, pas ses gants pour
le ski...) dans ses bagages et signe à Flamengo, l'éminent
club de Rio. Résultat : une coupe du Brésil et des
performances qui le rappellent au bon souvenir de Luiz Felipe
Scolari, le sélectionneur de l'équipe nationale,
qui le réintègre à la "Seleçao"
pour la Coupe du Monde. Et pas n'importe quelle Coupe du Monde
: celle de la "Penta" pour les joueurs brésiliens,
qui ramènent du Japon un cinquième titre de Champion
du Monde, attendu par tout un peuple.
Une compétition où
notre ami noceur n'aura joué que vingt minutes, lors du
premier match des "auriverde" face aux Turcs, remplaçant
à la 72ème minute le généreux Juninho
Paulista. Mais le moustachu s'en fiche, puisqu'il aura le grand
plaisir de tenir la main de ses coéquipiers lors de la
prière qu'ils effectueront en cercle autour du rond central
à l'issue d'une finale remportée 2 à 0 face
à l'Allemagne. Rien que pour ça, Vampeta est heureux.
De retour au Brésil au sein d'une sélection triomphante,
il soulève légitimement le trophée aux côtés
de Ronaldo, qu'il avait persuadé d'adopter la coiffure
dite de la "foufoune" au cours du tournoi. Une deuxième
victoire pour notre ami de Bahia.
Pressé de retrouver les terrains du championnat national,
il resigne aux Corinthians pour une saison, histoire de profiter
du pactole gagné avec le titre de Champion du Monde, et
de le dilapider dans de fastueuses soirées très
"olé olé" dans les "discotecas"
de Sao Paulo.
"Faire la festa, ça
me met en trans...e !"
Il s'offre même une année
sabbatique pour s'adonner aux menus plaisirs de sa vie quotidienne,
avant de retrouver les terrains de ses débuts avec Vitoria
pour quatre petits mois, de février à juin 2004,
date à laquelle il prend la direction du Koweït et
du Kuwait Sport Club, pour une saison entière. Mais décidément,
le coeur du joueur appartient au Brésil (comme celui d'Arlety
appartenait à la France...certains connaissent la suite...)
et il y retourne dès avril 2005, ou il signe pour le club
de Brasiliense jusqu'en décembre. Huit mois plus tard,
Vampeta change à nouveau d'équipe et rejoint celle
de Goias, dans l'Etat du même nom, sa dernière destination
connue.
Aujourd'hui, alors que la fin de sa carrière est proche,
notre ami se laisse aller, il devient passif, pour le plus grand
bonheur de ses amis qui attendaient depuis longtemps qu'il se
relâche enfin. Il veut retrouver la proximité qui
les réunissait dans leur enfance, quitte à faire
des concessions. Faisons leur confiance, nul doute qu'ils sauront
calmer les ardeurs du moustachu et le ramener à l'humilité
et la générosité qui le caractérisait
à ses débuts.
Son match parfait
Vampeta et sa bande de potes ont
décidé de prendre des vacances bien méritées
dans un camping naturiste de Salvador de Bahia. Mais même
en vacances, pas question pour le moustachu de se priver de football,
qui reste l'un de ses plaisirs favoris. Il convie alors d'autres
touristes du camping à jouer un match sur le terrain qui
se trouve à quelques mètres de la plage. Et c'est
qu'il a l'oeil, le petit malin, puisqu'il a tout de suite repéré
que ces touristes faisaient partie d'une délégation
de jeunes joueurs amateurs venus du Congo à l'occasion
d'un stage au pays du "Joga Bonito". "Bonito, ce
match promet de l'être", se dit le sexy boy, qui a
déjà prévu une récompense en cas de
victoire de ses adversaires du jour : si les Congolais gagnent,
Vampeta et ses amis accepteront de passer la soirée, voire
la nuit entière, à leur enseigner leur connaissance
de l'art footballistique et de la "festa brasiliana"
sous toutes ses coutures... Le moustachu est même très
malin, puisque cette rencontre, il choisit de la disputer au poste
de gardien, afin de pouvoir faire usage de ses mains en toute
liberté. Sur le terrain, la rencontre est équilibrée,
mais au tableau d'affichage, le score affiche un impressionnant
18 à 6 pour les Congolais. Le rusé Vampeta a en
effet profité de ce rôle de gardien pour mettre en
valeur son corps athlétique, multiplier les sauts dignes
d'une panthère, sortir directement dans les jambes de ses
adversaires et surtout jouer les passoires de premier ordre pour
offrir sur un plateau la victoire aux Congolais et s'offrir à
lui-même une soirée mémorable, au cours de
laquelle le joueur s'apprête à se muer en professeur
attentif pour ces élèves studieux et très
appliqués...
Vampeta nous figure ici
de manière schématique avec sa main gauche l'état
de son séant au lendemain de cette soirée de "plaisiou
totaou".
T-Ray
Addendum
Devant l’immensité
du talent de Vampeta, je ne pouvais m’empêcher d’apporter
mon grain de sel à l’édifice déjà
bien costaud établi ci-dessus.
Vampeta, c’est bien entendu une moustache fantastique. C’est
aussi des frasques sordides en dehors du terrain avec des photos
que l’on ne pouvait s’empêcher de faire figurer.
Mais c’est surtout des performances dantesques avec le maillot
du PSG.
Rappelons que le Brésilien a signé au PSG dans le
cadre de l’échange avec Stéphane Dalmat. Et
bien que le milieu de terrain n’ait jamais cassé
la baraque, on peut légitimement penser que Paris s’est
fait rouler dans cette affaire.

Quizz : Comment expliquer cette
expression de douleur sur le visage de Vampeta ?
a) Thierry Henry est passé par là ?
b) Claude Makelele est passé par là ?
c) Thierry Henry et Claude Makelele sont passés par là
?
Car si l’on excepte
son but magnifique contre l’AJA, Vampeta n’a pas animé
le jeu du PSG aussi bien que les dancefloors de la capitale. Cependant,
son passage restera dans les têtes, et même dans d’autres
parties du corps plus obscures, comme ce joueur de football totalement
atypique et vintage. Sa présence sur notre site semblait
indispensable, d’une part pour amadouer un lectorat féru
d’esthétisme, mais aussi pour compléter la
galerie des horreurs parisiennes déjà bien représentée
avec Alioune Touré, Francis Llacer, Branko Boskovic ou
encore Helder Marino.
Deez
24-01-2007