Igor Yanovski
Si la filière slave dans
sa version féminine bénéficie d’une
véritable implantation dans notre beau pays, sa version
masculine n’est pas en reste pour autant. La seule véritable
différence entre ces visiteurs et « visiteuses »
venus du froid tient essentiellement dans leurs professions. Quand
ces dames préfèrent jouer des mains et embrassent
le métier de péripatéticiennes (souvent contre
leur gré, il est vrai), ces messieurs, beaucoup plus habiles
avec leur pieds (enfin beaucoup…), choisissent d’être
footballeurs.
Et il faut dire que cet important flux migratoire, essentiellement
professionnel, heureusement, nous a gratifié de quelques
coups d’éclat. Surtout en provenance de Russie. Mais
ceux qui se souviennent des exploits des Panov, Sytchev, Pimenov
et autres Semak ont souvent tendance à oublier l’un
de leurs glorieux prédécesseurs, celui qui a maintenu
vivace la passion française encore toute fraîche
pour les joueur russes depuis la carrière hexagonale d’Alexandr
Mostovoi, le seul, l’unique : Igor Yanovski.
1994 : Igor ne sait pas encore
quel modèle il va être pour ses compatriotes.
Né à Vladikavkaz
en 1974, c’est tout naturellement que le jeune Igor, vingt
ans à peine, intègre l’effectif du club de
sa ville, l’Alania Vladikavkaz. Dans son beau maillot rouge,
réminiscence d’un communisme d’Etat révolu,
Igor impressionne ses dirigeants, qui le placent directement en
équipe A. Et dès sa première année,
le jeune espoir connaît le haut niveau (du moins lorsqu’on
est Russe…) grâce à la participation de son
club dans la défunte Coupe des Coupes. L’année
suivante, en 1996, il se révèle au grand jour, et
surtout aux yeux des recruteurs parisiens, en se faisant buteur
en tour préliminaire de Ligue des Champions puis à
nouveau en Coupe des Coupes. Convaincus de trouver en lui la relève
idéale de Patrick Colleter, les dirigeants parisiens le
laissent mûrir encore deux saisons à Vladikavkaz,
avant de lui offrir, en 1998, un poste de titulaire.
Igor le terrible : un Tsar au
Parc des Princes.
Sa première saison parisienne
est une révélation. Au milieu de quelques bons joueurs
et d’une kyrielle de pieds carrés (Goma, Domi, Rabesandratana,
Llacer…), Igor surnage. Combien d’ailiers droits on
souffert en voyant ce grand blond n’esquisser aucun signe
de douleur après avoir essuyé un petit pont, et
finalement récupérer la balle avec un calme olympien
dans leurs pieds trente mètres plus loin ? Froid comme
la glace, le Tsar !
Une méthode de récupération
infaillible : titiller l’adversaire
Présent à tous les
matchs, à quelques exceptions près, son parcours
lui permet de décrocher plusieurs sélections en
équipe nationale, notamment en éliminatoires de
l’Euro 2000, au cours desquels il rencontre les Bleus et
inscrit un but dans une rencontre perdue 2-3 dans sa Russie natale.
Un glaçon surnommé
« le Pompier » par ses coéquipiers russes.
Allez savoir pourquoi ?
Mais le conte de fées ne
va pas durer. Grandement apprécié par Artur Jorge
et son successeur au poste d’entraîneur du PSG, Philippe
Bergeroo, qui le font jouer tantôt latéral, tantôt
milieu, notre cher Igor tombe en disgrâce auprès
de Luis Fernandez, revenu aux affaires en 2000. Son Raspoutine
à lui en quelque sorte. En effet, Luis n’aime pas
vraiment le Tsar et lui préfère de bons prolétaires
du football comme Grégory Paisley. Déchu de son
titre de seigneur du côté gauche, le blond russe
s’en retourne au pays. Le CSKA Moscou l’accueille
en 2001 pour trois belles saisons avant qu’il ne retrouve
son club d’origine, l’Alania Vladikavkaz.
Mais Igor n’a pas dit son dernier mot ! Durant ces quatre
années, il a fomenté son retour en France. Décidé
à montrer que lui aussi peut très bien accomplir
un travail de prolétaire, il ne choisit pas la prestigieuse
Ligue 1 pour revenir, mais la Ligue 2 ! Et c’est la Berrichonne
de Châteauroux, de l’ancien président parisien
Michel Denisot qui lui ouvre les portes.
« Non Igor, tu t’es
trompé, tu n’es pas au FC Barcelone ! »
A Châteauroux, Igor retrouve
cette France profonde qui sied si bien à son nouveau statut
d’ouvrier du football. Il y retrouve aussi un autre pied
carré, venu de l’est lui aussi, mais de Serbie :
Predrag Ocokoljic. Ensemble, ils forment chacun sur leur côté
une défense tout en hauteur qui glace le sang des pourtant
valeureux attaquants de deuxième division. Mais la greffe
ne prend pas. Malgré quatorze rencontres disputées
sous la houlette de Didier Ollé-Nicolle, notre ami venu
du froid quitte la Berri début 2001, prêt à
embrasser jusqu’au bout le lot de nombre de prolétaires
de notre beau pays : le chômage.
« Igor, tu crois pas qu’à
ton âge, mettre ‘’milieu’’ sur ta
carte de chômeur, c’est un peu présomptueux
? »
Aujourd’hui, nul ne sait
ce qui est vraiment advenu de notre glaçon préféré.
L’empereur devenu ouvrier puis chercheur d’emploi
pourrait peut-être refaire surface dans les prochains mois.
Le championnat de National se prépare déjà
à l’accueillir les bras ouverts.
Son match parfait :
Pour son jubilé, Igor décide
d’inviter les deux clubs de son cœur, le Paris Saint-Germain
et la Berrichonne de Châteauroux, dans sa bonne ville de
Vladikavkaz. S’étant entendu avec les présidents
des deux clubs pour jouer une mi-temps dans chaque camp, Igor
a même eu l’opportunité d’effectuer lui-même
les compositions d’équipe. Vêtu du maillot
parisien en première période, Igor est surmotivé.
Le PSG obtient un penalty qu’il se charge lui-même
de transformer. 1-0 à la pause. Deuxième mi-temps
: Igor endosse la tunique rayée de la Berri et choisit
Luis Fernandez pour le remplacer dans l’équipe parisienne.
Alors que le PSG domine, Igor décide de réaliser
sa nouvelle technique élaborée durant sa retraite
aux confins de la Russie. Arrivé face à Luis, le
tsar déchu hurle « Terreur de l’Oural »
et, d’un seul coup d’un seul, administre un coup du
sombrero fulgurant et fatal pour les lombaires à son ex-entraîneur,
avant de déclencher une frappe soudaine des trente mètres
qui termine sa course dans la lucarne du but parisien. 1-1 score
final. Ravis, les dirigeants berrichons décident dans un
élan de bonté de lui offrir un emploi et de le nommer
recruteur officiel du club en Russie. Dans l’espoir d’offrir
à la filière russe un débouché sur
les bords de l’Indre et d’y voir fleurir des petits
Yanovski en herbe.
« Luis ! Prends ça
dans ta gueule ! »
T-Ray
21-12-2006