Koji Nakata
S’il y a bien une chose qu’il
faut retenir du bref passage de Philippe Troussier à l’Olympique
de Marseille, c’est bien le recrutement de Koji Nakata !
Cet acte, désuet à première vue, suffit pourtant
à considérer comme utile l’intérim
grotesque du Sorcier Blanc sur la Canebière.
Mais rappelons le contexte de l’époque (la saison
2004/05). L’OM n’a pas digéré l’après-Drogba
et se morfond en milieu de tableau malgré la présence
de bons joueurs devenus mauvais comme seul l’OM (et le PSG)
peut dézinguer (Pedretti, Eduardo Costa, Luyindula). Le
coach de l’époque, José Anigo, est prié
de ne plus s’asseoir sur le banc de touche et Pape Diouf
a l’idée d’embaucher l’ancien sélectionneur
du Japon.
Conscient qu’il va droit à sa perte en s’engageant
avec une équipe plongée dans la crise, Troussier
décide sournoisement d’emporter dans ses valises
un joueur tête de turc sur qui toutes les critiques tomberont
inévitablement à la première déroute
venue. Et cette mesquinerie ignoble tombe sur Koji Nakata. Pas
le Top Model nippon Hidetoshi. Ni le cinéaste d’horreur.
Non l’autre, celui qui n’a rien d’une popstar
hystérique ou d’un réalisateur de films fantastiques.
Koji quoi.
Ne sois pas triste, t’es
pas plus mauvais que Hiroyama
Pour remplacer un Bixente Lizarazu
qui ne fut que l’ombre de lui-même durant son court
séjour à Marseille, le club phocéen recrute
un joueur de devoir, polyvalent, combatif et exotique. Pas besoin
d’être expert en pieds carrés pour comprendre
que ça sentait le fendage de gueule à plein nez
! Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on
n’a pas été déçu.
Désireux de s’expatrier
en Europe après avoir effectué l’ensemble
de sa carrière aux Kashima Antlers, club de première
division japonaise, Koji trouve donc un pied-à-terre rêvé
à Marseille où il pourra compter sur un entraîneur
qui le connaît et sur un traducteur linguistique dévoué.
Le jour de l’avènement
Troussier ne tarde d’ailleurs pas à faire confiance
au Nippon en le titularisant un soir d’hiver sur la pelouse
enneigée de Geoffroy-Guichart. Une brillante idée
puisque Nakata n’a besoin que de quelques minutes pour réaliser
un geste technique d’une prouesse inimaginable : la feinte
de passe à trois mètres du ballon ! Pour ceux d’entre
vous qui n’auraient jamais vu ce moment de grâce ultime,
un petit rappel s'impose.

Tout simplement grandiose (merci
à Benjijc pour ce gif)
Aucune tromperie possible sur
la marchandise. Nakata est bien le joueur tant attendu, capable
de vous faire souscrire un abonnement à Canal+ juste pour
le plaisir de le voir évoluer. Même en Coupe de la
Ligue et malgré les commentaires nauséabonds du
tandem Gravelaine-Adam, suivre les performances du Nippon aurait
été jouissif. Car, pour notre plus grand bonheur,
Koji ne s’est pas arrêté à sa bévue
initiale. Non, par la suite, il n’eut de cesse de se montrer
sous son meilleur jour, constamment à la rue, systématiquement
ridiculisé par ses adversaires, les yeux hagards et la
crinière au vent.
C’est marrant, ils ont
tous le sourire au moment où ils signent à l’OM
Cerise sur le sushi, Koji s’est
aussi payé le luxe de planter un autogoal dans un match
crucial contre le PSG. Couillu le garçon puisque ce franc
moment de rigolade a coïncidé avec la privation d’une
victoire marseillaise contre son rival historique après
la fameuse série de huit victoires parisiennes consécutives.
Koji, arrête de brutaliser
les petits vieux !
Et fatalement, dans ce microcosme
cruel qu’est le football à Marseille, les supporters
ne tardent pas à le prendre sauvagement en grippe.
La confiance aveugle accordée jusque là par Troussier
atteint elle aussi ses limites et c’est un jeune joueur,
recruté lui aussi au mercato hivernal, qui termine la saison
olympienne au poste de latéral gauche, Taye Taiwo. Malheureusement
pour nous, et bien que le Nigérian soit également
un sacré pied carré, il a beaucoup de mal à
se hisser aussi haut que Nakata sur l’échelle du
burlesque footballistique.

L’humiliation suprême, être vanné par
Fred Déhu à l’entraînement
La saison terminée, Troussier
est remercié en raison de résultats en dents de
scie et d’un relationnel conflictuel avec nombre de dirigeants
phocéens. Et malgré les efforts de José Anigo,
le Sorcier Blanc omet de reprendre son colis nippon dans ses valises.
Notre Koji Nakata reste donc coincé à Marseille
dans l’indifférence générale. Il fait
alors connaissance d’un autre compagnon d’infortune,
José Delfim, lui aussi oublié dans un placard depuis
des lustres et qu’il retrouvera dans le championnat suisse
quelque temps après.
Le nouveau coach, Jean Fernandez,
décide cependant d’ouvrir les portes de l’équipe
première à tout le monde, et surtout à n’importe
qui. Koji s’engouffre dans la brèche et dispute ni
vu ni connu le match héroïque de l’OM contre
le Deportivo La Corogne. Dans ce match, l’un des derniers
de Nakata avec Marseille, le Japonais se distingue par une virilité
insoupçonnée, notamment en parvenant à bousculer
le musculeux Munitis. Ahem…
Finalement, l’OM sabrera le champagne en janvier 2006, soit
un an après le débarquement nippon en Provence,
lorsque Nakata s’engagera avec Bâle. Une sorte de
réponse du berger à la bergère des Phocéens
envers la formation leur ayant refourgué Gimenez.
Koji attaqué par La Chose
en plein match
Avec une petite quinzaine de matches
au compteur, Nakata est donc une véritable comète,
un corps astral n’ayant fait qu’une approche lointaine
de notre planète foot et qui n’a pu, de ce fait,
se crasher complètement et nous éclabousser de son
talent prodigieux. Un talent à montrer impérativement
dans tous les centres de formation de pieds carrés.
Cela dit, ses frasques, aussi rares fussent-elles, sont qualitativement
si puissantes que l’on peut sans regret, ou presque, se
dire « les plaisanteries les plus courtes sont toujours
les meilleures ».
Ici un épisode d’Olive
et Tom en cosplay avec les deux Nakata dans le rôle des
jumeaux Derrick et Daniel Van Buyten en Clifford Youm.
Le match parfait
Koji Nakata est un joueur comblé.
Le FC Bâle a gagné le championnat suisse et le défenseur
japonais a été élu par ses pairs meilleur
défenseur de la ligue helvète. Au pays du Soleil
Levant, ses performances intéressantes et son look de jeune
rebelle font fantasmer les lycéennes nippones qui ne sortent
plus de chez elle sans arborer un mignon petit sac à dos
à l’effigie de l’ancien marseillais. Toutes
les télévisions japonaises décident de retransmettre
en direct le match estival de supercoupe suisse Bâle - Yverdon.
Malheureusement, le dérèglement climatique a entraîné
d’importances précipitations neigeuses en plein mois
d’août sur la cité bâloise. Au moment
d’entrer sur le terrain, Nakata n’en mène pas
large, il a peur de rééditer le même geste
que lors du match ASSE-OM.
Voulant se rassurer, il opte pour une conduite sobre lors de la
première heure de la rencontre en évitant soigneusement
de toucher le ballon au grand désespoir des millions de
japonais scotchés devant leur écran de télé.
Arrive le dernier quart d’heure et un corner pour le FC
Bâle. Nakata monte aux avants-postes sous la pression de
son entraîneur pour tenter de planter le but victorieux.
Le corner est tiré à ras de terre et échoue
sur Koji, esseulé au point de penalty. Il n’a d’autre
choix que de tenter la frappe ! Il arme son tir, place son pied
d’appui, et s’aperçoit que le ballon a disparu.
Ayant flairé le bon coup, son coéquipier Mile Sterjovski
est le seul à ne pas être surpris par la feinte dite
de « l’once myope » et inscrit le but de la
victoire. Devenu héros national, Koji a le plaisir de voir,
à chaque fois qu’il rentre aux pays, les jeunes japonais
tenter de l’imiter en faisant rouler le ballon sur leur
pied d’appui et en tapant inlassablement dans le vide.
Deez
04-01-2007