Stefano Torrisi
Et si nous continuions à
nous intéresser à l’improbable saison 2001/02
de l’Olympique de Marseille ? Cette formidable année
footballistique où les pieds carrés ont coulé
à foison sur la Canebière.
Après Alberto Rivera, chroniqué ici-même depuis
quelques semaines, intéressons-nous maintenant à
un exemple encore plus flagrant de l’incompétence
de l’équipe dirigeante en place à l’époque,
celle qui était menée de main de maître par
un Bernard Tapie plus loufoque que jamais. Voici Stefano Torrisi
!

Je t’assure que c’est
pas en te faisant passer pour Christian
Gimenez que tu reviendras à l’OM
Ce stoppeur italien natif de Ravennes
a incontestablement marqué l’histoire du football
français, et ce malgré seulement 180 minutes à
son actif sur les pelouses hexagonales.
A vrai dire, 45 avaient suffi à forger la légende
de Torrisi. C’était à Nantes, le 3 février
2002, soir mémorable où le défenseur avait
réalisé une performance cataclysmique et avait planté
un but et demi contre son camp en une seule mi-temps.
Mais avant de revenir sur cette
soirée cauchemardesque, saluons comme il se doit les premières
années de la carrière de Torrisi. Modène
et Ravennes en Série B, la Reggiana et le Torino dans les
bas-fonds de la Série A, Stefano connaît une trajectoire
ascendante au début de la décennie 90. A tel point
que le club de Bologne le recrute en 95 afin de commander l’arrière-garde
émiliano-romagnole. Alors en seconde division, les Rossoblù
survolent l’antichambre du Calcio, conquièrent le
titre de champion et réalisent un parcours fantastique
en Coupe d’Italie, tombant les armes à la main en
demi-finale.
Commandant en chef de la défense
bolognaise, Stefano reçoit de multiples sollicitations
de la part des grosses écuries transalpines mais il décide
néanmoins de ne pas boucler ses valises. Une décision
sage puisque les Rossoblù s’installent confortablement
en haut de tableau et flirtent avec les places européennes,
sans toutefois y demeurer à l’issue de la saison
96-97, ni même lors de l’année suivante.
Alors lassé et désireux de découvrir les
joutes européennes, Stefano commet l’irréparable
en demandant son transfert.

« Non je suis pas gros,
j’ai mis un sweat-shirt sous mon maillot ! »
Jusqu’alors idyllique, sa
carrière va alors s’enfoncer dans la vase. Première
tuile, son départ pour l’Atletico Madrid où
le défenseur va connaître une saison bien difficile.
Son rendement est jugé insuffisant et les dirigeants ibériques
décident de le renvoyer à son Italie natale.
A Parme pour être exact où Torrisi rejoint une formation
tout juste auréolée de sa victoire en finale de
la Coupe de l’UEFA… face à l’OM.
De retour dans sa région
d’Emilie-Romagne, Stefano pense se ressourcer et trouver
en Fabio Cannavaro un partenaire, un conseiller, un maître
d’apprentissage, un grand frère. Malheureusement,
la seule chose qu’a dû indiquer le Ballon d’Or
2006 à Torrisi, c’est l’adresse de son pharmacien
car après deux saisons de galère, Stefano est suspendu
pour dopage à la nandrolone. Suspendu pour six mois, à
l’instar d’Edgar Davids ou de Jaap Stam, le défenseur
italien est perçu comme un mouton noir au sein d’une
équipe qui a visiblement beaucoup de choses à se
reprocher.
De fait, il est hors de question pour Parme de conserver dans
ses rangs un joueur qui a commis l’irréparable. Soit,
mais qui voudrait recruter un trentenaire suspendu pour dopage
et en manque de compétition, qui plus est en plein mercato
hivernal ?
Suspense...
...
...

J’achète !
Déjà acquéreur
de Dimas, Olembe, Chapuis, Sakho, W. Dalmat, ou encore de Rivera,
Nanard tente un pari risqué, celui d’engager pour
six mois un joueur revanchard et expérimenté.
Si l’on oblitère le fait que Torrisi a été
durant une période inconnue (et peut-être sous-évaluée)
de sa carrière chargé comme un mulet, les bonnes
saisons du joueur en Série en font tout de même une
recrue intéressante.
Arrive donc ce fameux 3 février
2002. L’Olympique de Marseille se rend à Nantes dans
une composition improbable, avec trois défenseurs centraux
(Tuzzio, Torrisi et Dimas), deux latéraux (Dos Santos,
Dalmat), trois milieux (Van Buyten, Swierciewski, Andre Luiz)
et deux attaquants (Alfonso, Chapuis). Ce listing aberrant pourrait
à lui seul suffire à expliquer la défaite
marseillaise (3-1) mais cela serait irrespectueuxr vis à
vis de Torrisi qui a réalisé ce jour-là un
match tout simplement exceptionnel.
Alors que Wilfried Dalmat ouvre
le score contre ses anciens partenaires, Mathieu Berson sonne
la charge pour les canaris et décoche une frappe anodine
de trente mètres. Simple formalité pour Vedran Runje
pense-t-on. Mais c’est sans compter sur Stefano Torrisi
qui s’interpose mollement et dévie le ballon afin
de prendre à contre-pied le gardien croate.
Notre défenseur italien ne s’arrête pas en
si bon chemin. Frustré de voir cette première réalisation
attribuée au Nantais alors qu’il a fait tout le boulot,
Torrisi prend ses responsabilités et décide de catapulter
magnifiquement un centre d’Olivier Quint dans les filets
olympiens. Un lob majestueux qui laisse Runje pantois et la Beaujoire
hilare. 45 minutes pour se bâtir une légende. Zidane
l’avait fait en 1998, Torrisi l’a fait en 2002.

« J’ai fait comme
ça avec ma tête et hop, lobé le Croate, hahaha…
»
La France est sous le choc. Rarement
de mémoires de spectateurs, une première titularisation
avait été si tonitruante. Le second match de Torrisi
(contre Guingamp) débuta de fort belle manière également
avec un but (signé Hakim Saci) largement imputable au défenseur
italien.
Malheureusement, ce fut la dernière fois que Stefano porta
le maillot phocéen. On se demande bien pourquoi…
Quelques mois de mise à
l’écart plus tard, Torrisi repasse les Alpes et s’en
va tristement finir sa carrière au bercail. Tout d’abord
à la Reggina, puis à son club de cœur de Bologne
où il apparaît toujours de temps à autre en
2007 alors que les Rossoblù sont à lutte pour la
remontée en Série A.
De son passage éclair dans
le championnat de France, nous retiendrons bien évidemment
cette fantastique première période à Nantes
où si le ridicule n’a pas tué, il a commis
des blessures irrémédiables. Cependant, comment
jeter la pierre au seul joueur ? Un jour sans peut très
bien arriver. Demandez à Bernard Mendy, il en vit souvent
!

Le dopage, c’est la classe
!
Dans cette affaire, c’est
surtout le manque de compétence hallucinant des dirigeants
olympiens de l’époque qui est responsable. En recrutant
dix joueurs en moins d’un mois, qui plus est à la
trêve hivernale sans jamais réfléchir une
seule seconde quant à la pertinence de ces choix, en choisissant
d’engager un joueur suspendu durant six mois pour dopage
et de l’aligner sans aucun entraînement trois jours
après son arrivée en tant que libero d’une
équipe en crise, il était clair que l’OM allait
droit dans le mur. Et ça n'a pas loupé.
Stefano, ton nom a trop longtemps
été traîné dans la boue. Non tu n’es
pas une chèvre dont le lait à la nandrolone pourrait
transformer un centenaire en un Asafa Powell dégénéré
! Tu es simplement le dommage collatéral résultant
d’une gestion de club calamiteuse et de schémas tactiques
à faire transpirer Noël Tosi. Notre équipe
tenait à rétablir la vérité. C’est
désormais chose faîte.

Avec un tel sponsor maillot,
comment ne pas voir sa carrière sombrer ?
Son match parfait
A Bologne, Stefano fait office
de vieux briscard. Il faut dire que le défenseur a bien
roulé sa bosse durant toutes les années qu’il
a passé au haut niveau. Alors qu’il entend faire
part de ses expériences à ses plus jeunes coéquipiers,
il se rend compte avec tristesse que seul son passé de
junky intéresse les autres joueurs. A l’exception
d’un jeune milieu de terrain français qui erre comme
une âme en peine sur les terrains d’entraînement
en maudissant perpétuellement un certain Dominique Bijotat.
Ce gamin, répondant au nom de Mourad Meghni, ne sait pas
que Stefano a autrefois été convaincu de dopage.
Ravi de la situation, l’Italien aborde le Français.
« Stefano : Mourad ! Tu sais que j’ai joué
à Marseille ?
- Mourad : C’est pas vrai ! Je te crois pas. Vas-y raconte.
- S : C’était fantastique, je commandais la défense.
J’avais Van Buyten et Leboeuf à mes côtés
!
- M : Wah ! Moi à Sochaux, c’était Joao
Miranda le stoppeur…
- S : Je connais pas. Et tu sais, y’avait Alfonso en
attaque !
- M : Le gars du Barça ? Putain t’en as de la
chance. Nous à Sochaux, c’était Moumouni Dagano…
- S : Connais pas non plus.
- M : Et y’avait qui sinon ?
- S : Euh…ben… c’est pas très important.
- M : Tu jouais mieux avant ?
- S : Comment ça ?
- M : Bah t’as vu, t’es un peu tout vieux tu vois.
- S : A Marseille, j’ai pas énormément
joué mais il y avait une concurrence très saine.
Ahem… Mais j’ai bien défendu et j’ai
même marqué des buts…
- M : Je te félicite. Oh ! Regarde, y’a le coach
qui a une vidéo à nous montrer.
- Coach Ulivieri : Les gars ! J’ai retrouvé la
cassette du match de Stefano en France !
- S : Merde…"
.
Deez
02-05-2007