Kalu Uche
Au royaume des comètes qui
traversent chaque année notre cher championnat de Ligue
1, il existe une hiérarchie implicite mais qu'il est aisé
d'appliquer à chaque joueur concerné.
Il y a les simples sujets, qui ne se lèvent du banc qu'en
de très rares occasions et qui disparaissent des mémoires
à peine leur transfert prononcé (ou dans de nombreux
cas la résiliation de leur contrat...) et que seuls de
bons serviteurs de la cause footballistique tels que les membres
de piedscarres.com sont encore à même de célébrer
une fois partis.
Il y a les valets, des joueurs de devoir sans grand talent mais
qui par leurs entrées en cours de match savent amuser la
galerie, même en ne restant sur le terrain que le dernier
quart d'heure.
Et il y a les seigneurs. Ceux dont on attend patiemment l'entrée
en jeu en rongeant son écharpe et qui, pour notre plus
grand bonheur, parviennent régulièrement à
se glisser dans la liste des titulaires, réussissant des
performances extraordinaires pour tout amateur de gestes fins
et racés, souvent involontaires il faut le dire. Des joueurs
qui ont en eux le génie de faire basculer un match, parfois
en faveur de leur équipe, mais souvent en faveur de l'adversaire.
Indéniablement, Kalu Uche fait partie de cette élite.
"Non je ne suis pas Wagneau
Eloi !"
C'est en 1982 que nait Kalu Uche,
dans la ville nigériane d'Aba (ce qui explique sans doute
son amour des chevelures blondes). Très tôt, le joueur
devient l'une des terreurs des terrains de terre (admirez l'allitération)
de son quartier et sa réputation parvient aux oreilles
des meilleurs formateurs nigérians. Ceux-là mêmes
qui approvisionnent le vieux continent en génies du tricot
et du coupé décalé. Son agilité et
son rythme naturel charment immédiatement les dirigeants
de l'Espanyol Barcelone. A presque dix-huit ans, Kalu rejoint
donc la Catalogne pour deux saisons, durant lesquelles il ne joue
aucun match avec l'équipe première. C'est donc dans
les vestiaires que notre ami parfait sa condition physique et
essaye de faire partager sa passion du remuage de popotin à
ses coéquipiers. Sans résultat.
"Salut beau brun, tu danses
?"
Déçu tout comme ses
dirigeants, Kalu choisit de ne pas rester sur les bords de la
Méditerranée et part alors pour la Pologne, terre
d'adoption privilégiée des Nigérians comme
lui. Emmanuel Olisadebe y est alors une idole. Kalu rêve
d'une gloire similaire, voire supérieure, et prend alors
la décision de se teindre en blond.
"Je rêve de marcher
dans les pas de mon modèle, Ibrahim Ba."
Désormais péroxydé,
le jeune joueur est fin prêt à assumer un rôle
de titulaire au sein du Wisla Cracovie, le plus grand club du
pays. Sa première saison n'est qu'une demi-saison. Mais
il se fait une place comme milieu offensif et devient vite incontournable
pour sa deuxième année dans l'équipe. Imprévisible
farceur, il s'amuse alors régulièrement à
mystifier ses adversaires par des gestes étonnants, qu'il
ne comprend même pas lui-même quelquefois.
"Ha ha, tu la vois pas
la balle hein ? Ben moi non plus !"
Cette deuxième saison polonaise
est aussi sa plus riche et sa plus régulière. Vingt-six
fois titulaire, Kalu ose beaucoup. Il marque et réussit
tout. Enfin presque.
"Aïe ! J'ai raté
mon salto !"
Ses prouesses à Wojtyland
lui valent même d'obtenir ses premières sélections
chez les Super Eagles, l'équipe nationale du Nigéria.
Eh oui, n'ayant pas trouvé de jolie Polonaise à
épouser, celui-ci n'a pas pu imiter son compatriote Olisadebe
et obtenir la nationalité de son pays d'accueil. Mais le
maillot vert nigérian lui permet de côtoyer des vedettes
du football mondial et aussi quelques bons pieds carrés
(qui a dit Victor Agali ?) et Kalu s'en contente.
Sa troisième saison avec Cracovie est tout aussi réussie
que les autres, malgré une suspension de six mois pour
insubordination, rapidement ramenée à trois mois.
Il termine la saison champion et obtient la chance unique de disputer
un tour préliminaire de Ligue des Champions face au légendaire
Real Madrid des célébrissimes galactiques. L'occasion
pour le seigneur des dance-floor en gazon de montrer au monde
du football son talent pour les acrobaties et les gestes techniques
improbables.
Info blessure : Zinédine
Zidane souffre d'une commotion cérébrale.
Malgré un bon 1-1 à
domicile, le Wisla perd 4-0 à Santiago Bernabeu, anéantissant
à jamais les espoirs de C1 de notre roi du move favori.
Kalu est alors à un moment charnière de sa carrière.
Il veut s'aguerrir et améliorer son niveau artistique...euh,
technique, au sein d'un grand championnat. Et pourquoi pas en
France ? Kalu sait que le pays regorge de manieurs de ballons
hors-pair, à même de lui faire franchir un pallier.
"Mais comment fait Coridon
pour réussir son coup du scorpion ?"
Et il se trouve justement que l'un
des grands clubs de L1 a besoin d'une patte créative et
d'un petit brin de folie. Les Girondins de Bordeaux décident
de s'attacher les services du petit génie de la flambe
en obtenant un prêt de la part du Wisla (ben oui, faut pas
éxagérer non plus). Les supporters polonais ont
d'ailleurs hâte de le voir partir, lassés de ses
pirouettes à répétition et de son imprécision
caractérisée.
"Eh oh, mon transfert c'est
dans une semaine, alors fermez-la !"
D'ailleurs, les derniers matchs
du Nigérian sont plutôt mornes, celui-ci étant
déjà tourné vers ce qui l'attend dans la
plus grande capitale viticole française. Après avoir
saoûlé les Cracoviens, Kalu s'apprête en effet
à faire tourner la tête aux Bordelais.
"Je t'effacerai de la mémoire
des supporters girondins, Zizou !"
C'est un rêve qui se concrétise
pour le Nigérian. Il sait qu'il va pouvoir apporter aux
Girondins la touche technique qui leur fait défaut. Et
qu'il va assurément passer un cap.
Prêt à rivaliser
d'envergure avec Pauleta
Notre ami débarque dans
l'hexagone en septembre 2004 et est présenté immédiatement
au public du stade Chaban-Delmas. Affublé du numéro
12, Kalu obtient l'assurance d'être presque titulaire et
reçoit pour mission d'animer le secteur offensif en compagnie
de Camel Meriem, Juan Pablo Francia et Albert Riera.
Jean-Louis Triaud : "Mince,
la lettre R s'est décollée de son maillot !"
C’est sur le banc que notre
danseur de charme commence la plupart des rencontres. Mais il
s'affirme rapidement comme le joker de Michel Pavon, qui le fait
rentrer chaque fois plus tôt dans les matchs. Un bonheur
pour le Nigérian qui peut désormais remuer du jarret
en direct devant les caméras des grandes chaînes
françaises. Et le coquin s'amuse comme un fou à
faire tourner en bourrique les grands défenseurs de Ligue
1, décontenancés par ce swing naturel et si communicatif.
Modèle de torture version
Uche : le pauvre Echouafni souffre le martyre.
Les pépins physiques de
Jean-Claude Darcheville lui profitent et notre bon Kalu monte
d'un cran pour occuper régulièrement un poste d'attaquant.
Cependant, le public girondin n'est pas dupe et se rend vite compte
qu'il a hérité d'un croqueur patenté, apte
sur ce point à remplacer Gronaldo, mais pas tout à
fait au niveau malgré tout.
"C'est pas possible, ils
ont trouvé plus maladroit que moi !"
Bref, après les spectateurs,
Michel Pavon lui-même finit par se rendre compte des limites
du potentiel du Nigérian. Au contraire des patrons des
boîtes de nuit bordelaises qui, eux, se satisfont pleinement
du génie d'expressivité corporelle de notre ami.
Ses derniers matchs sous le maillot Girondin ne sont qu'un enchaînement
de maladresses et d'actions avortées, hormis le but de
la victoire qu'il inscrit face à Istres. Son seul but en
championnat, pour l'anecdote. Refoulé sur le banc, le destin
de Kalu est laissé au bon vouloir de son entraîneur,
qui ne lui accorde que peu de temps de jeu.
"Coach, coach, tu me fais
rentrer dis ?"
Finis les trémoussements,
les gestes acrobatiques et les courses effrénées,
Kalu n'entre plus dans les plans girondins et décide, d'un
commun accord avec le club, de retourner au Wisla Cracovie. Pas
franchement ravis, les Cracoviens parviennent pourtant à
supporter ses numéros de claquettes en crampons durant
une saison avant de le voir voguer de nouveau vers d'autres horizons,
le soleil espagnol en l'occurrence, comme une réminiscence
de ses débuts dorés en Europe.
En 2006, il rejoint donc l'U.D Almeria, en deuxième division
espagnole. Club célèbre pour avoir accueilli quelques
saisons plus tôt l'ancien Girondin Nicolas Sahnoun, Almeria
réserve une place de choix au Nigérian à
la pointe de l'attaque, là ou ses pertes de balle dantesques
peuvent être rattrapées le plus facilement, étant
donné la présence de ses neuf coéquipiers
derrière lui. Aux côtés du français
Laurent de Palmas (non pas le chanteur, même si c'est aussi
un manche), et de l'ancien gardien des Pays-Bas Sander Westerveld,
le bon Kalu a désormais de quoi s'amuser et, nul doute
que si sa première saison n'a pas été à
la hauteur de son talent de show-man, un joueur comme lui ne saurait
se faire totalement oublier et il se pourrait bien qu'il finisse
de nouveau dans nos colonnes, au moins dans le volet actualités.
Peut-être pour un nouveau transfert retentissant, qui sait
?
Même à l'entraînement,
il parvient à faire tourner la tête du staff, qui
préfère fuir.
Son match parfait :
Après un parcours incroyable
en Coupe du Roi avec Almeria, où il se qualifie pour la
finale en n'ayant affronté que des clubs de deuxième
division, Kalu offre le trophée à son club en marquant
le but de la victoire face au FC Barcelone en profitant à
la 119ème minute d'une erreur de relance d'Oleguer. Qualifié
en Coupe de l'UEFA, le premier tour l'oppose aux Girondins de
Bordeaux. Revanchard après la défaite à domicile
concédée une semaine plus tôt sur un but de
Darcheville, encore Bordelais, Uche décide de prendre le
match retour à son compte. Ayant admirablement progressé
en flamenco, le Nigérian élimine dès la première
minute de jeu tous les défenseurs grâce à
de superbes feintes de corps très sensuelles, avant de
crucifier Ulrich Ramé d'une frappe à rebonds multiples.
Durant le temps additionnel, les trois changements girondins ont
été effectués. Kalu choisit alors ce moment
pour faire un petite démonstration de coupé décalé
balle au pied à Ramé qui, pour l'arrêter,
n'a d'autre choix de le plaquer au sol, se faisant par là-même
une déchirure du biceps sur toute la longueur. Incapable
de poursuivre, c'est Jean-Claude Darcheville qui récupère
les gants afin de sauver les Bordelais d'un penalty éliminatoire.
Après une course d'élan mâtinée de
danse du ventre, Uche prend inévitablement Gronaldo à
contrepied, qualifiant ainsi son équipe pour la phase de
poules de la C3 et prenant sa revanche sur le club qui avait osé
lui refuser une somptueuse carrière dans le pays de la
musette, seule danse qu'il ne soit pas encore parvenu à
maîtriser.
T-Ray
04-01-2007